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dit l’abbé Jacquel, croit qu’il est de sa dignité de n’en point avoir[1].

À côté de ces tableaux modestes de la vie rustique, nous oserons placer, pour la simplicité, des dépenses de bouche d’un héros. Lorsque Turenne logea, en 1645, à l’auberge du Bouc à Saverne, avec une suite de quinze hommes, sa dépense, que la ville paya, ne se monta, pour quatre jours (du 7 au 10 mars), qu’à 67 liv. 17 sols et 4 deniers[2].

Je n’ai dit qu’un mot, en passant, des ressources abondantes que les rivières de l’Alsace fournissaient autrefois à la table de nos aïeux. Ce riche sujet mérite que j’y revienne. Anciennement, nos cours d’eau étaient animés par des populations aquatiques nombreuses et pressées qui se reproduisaient librement avec cette fécondité phénoménale que la nature leur a départie. Les rivières et les ruisseaux avaient un volume d’eau plus considérable et plus constant ; grâce aux forêts épaisses qui, dans nos montagnes, protégeaient leurs sources et leurs réservoirs d’alimentation naturelle, elles étaient plus couvertes dans leur parcours ; leurs communications n’étaient point interrompues par les ouvrages d’art que l’industrie a multipliés de nos jours. Elles avaient un aspect sauvage, un caractère solitaire qui favorisait la conservation et le développement de leurs habitants, dont les mœurs ombrageuses, la timidité, l’amour du mystère et du silence sont connus de tout pêcheur. Elles n’avaient pas souffert la dévastation et la ruine que notre siècle a laissées se consommer avec une négligence et une imprévoyance que les économistes ont signalées et qui commencent, heureusement, à inquiéter l’État[3]. Les anciens règlements sur la pêche étaient plus sévères que les nôtres et surtout mieux observés, parce qu’ils avaient un caractère plus local. Je ne

  1. Jacquel, Topogr. de Gérardmer, p. 98.
  2. Archives communales de Saverne. Comptes de 1645.
  3. M. le préfet du Haut-Rhin a pris, le 15 septembre 1858, un nouvel arrêté relatif à la pêche, dont on ne peut que louer les utiles et sages dispositions.