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hommes}}. Il revient au père après qu’il a desservi toutes les bouches masculines[1]. »

Dans l’ancien comté de Hanau, dans les villages répandus autour de Bouxwiller, la viande fraîche ne paraissait sur la table des paysans que rarement, et seulement le dimanche. Le porc fumé et salé y était servi trois fois par semaine. Le paysan l’aimait très-gras, parce que, selon son expression, il sert à la fois à nourrir et à graisser (schutzt und schmutzt). Les légumes habituels étaient les pommes de terre, les choux, la choucroute, les navets, les haricots, les pois, les lentilles, les fèves, les quartiers de fruits séchés, l’orge mondée. Le sel, le poivre et le safran en étaient les assaisonnements. En hiver, l’on faisait trois repas, et en été quatre. Le premier entre sept et huit heures, le second à midi, le troisième entre quatre et cinq heures, le dernier à la tombée de la nuit. Le repas principal était celui du matin. Il se composait d’une soupe, de légumes, de viande, et à défaut de viande, d’une bouillie ou d’une omelette fortifiée de farine (Eierkuchen). À midi l’on mangeait froid, hormis dans le temps de la moisson. À quatre heures on servait du pain, du fromage blanc ou du beurre et des raves, le tout arrosé de vin. Le soir, l’on avait une soupe et de la salade, ou des pommes de terre et du lait caillé[2].

Cette vie si simple, c’est cependant l’aisance, la recherche, le luxe, si on la compare à celle d’une classe spéciale de nos montagnards. Au sommet des hautes Vosges, dans la région des chaumes, les pâtres et les fromagers ne vivent que de petit-lait, de fromages, de pommes de terre cuites à l’eau ou sous la cendre, et d’un pain violet qui acquiert la dureté du biscuit de bord. Ils ne voient jamais de fruits, jamais de vin. La viande est une rareté, presqu’une fête. Toute leur vaisselle consiste en une soupière de fer battu, avec quelques cuillers. Ne cherchez rien au delà ; tout le reste serait du superflu, et le pâtre du Hohneck,

  1. Stœber, Der Kochersberg, p. 29.
  2. Schwerz, Landwirtschaft im Nieder-Elsass, p. 22.