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Je n’ai pas pu m’assurer si la meilleure des espèces d’hélices, la chagrinée, a été introduite en Alsace, mais je le crois. Elle est extrêmement abondante dans le Dauphiné. C’eût été bien loin pour des gens du monde de l’aller chercher là, mais pas trop pour des gens d’église. Les Chartreux de Metz[1] l’avaient tirée du pays de Grenoble et acclimatée dans leur couvent. De leur escargotière elle s’est répandue dans le jardin botanique de la ville, où elle se propage encore aujourd’hui. Nous n’avions qu’une Chartreuse en Alsace, celle de Strasbourg, transférée après la Réforme à Molsheim. Les religieux de Metz eussent été bien égoïstes s’ils n’avaient pas fait participer leurs frères d’Alsace au bienfait d’une immigration qui rappelait leur origine commune à tous les enfants de saint Bruno.

Il y avait encore une autre espèce de mollusques qui servait comme aliment, mais non aux moines : c’était la mulette allongée (unio elongata). Elle est coriace, d’un goût désagréable et d’une digestion laborieuse ; elle n’habite que la Vologne, rivière célèbre par les perles que la mulette allongée dépose dans ses eaux (canton de Gérardmer). Les habitants pauvres des bords de cette rivière la mangent encore quelquefois aujourd’hui.

À un repas donné par le Magistrat de Strasbourg, en 1628, aux margraves de Bade, on servit des coquillages de toute espèce ; mais le chroniqueur ne les désigne point[2]. Comme il ajoute que tout le monde s’étonna beaucoup qu’on eût pu les conserver si frais, il faut conclure que c’étaient des mollusques marins. Ce fait n’appartient donc à notre sujet que sous un autre point de vue, celui du luxe et de la recherche qu’on apportait aux festins d’apparat.

Enfin, pour que mes indications ne soient pas entièrement marquées du caractère de l’inutilité archéologique, j’informe mes lecteurs que l’hôtel de l’Aigle, à Schlestadt, a conservé la tradition

  1. Puton, Mollusques des Vosges, p. 9.
  2. Wencker, Chron. mss., t. III, ad ann. 1628. Bibl. de Strasbourg.