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le joug de l’art ce mollusque presque repoussant. Mais le carême est si long, si triste, si énervant ! le poisson, quand il est imposé, fatigue si vite, qu’il faut bien attendre des prodiges du génie qui nourrit l’homme[1].

On sait que parmi les mollusques terrestres, le genre hélice offre quelques espèces qui sont édules : l’hélice vigneronne, l’hélice chagrinée, l’hélice némorale, l’hélice des jardins et l’hélice sylvatique. Dans la Lorraine et l’Alsace, les deux premières sont seules usitées dans l’alimentation. L’hélice vigneronne est commune partout : dans les vignes, dans les bois, dans les prés et les champs cultivés, dans les trous des vieux murs. Celles des vignes et des houblonnières sont les plus recherchées. Les connaisseurs préfèrent les manger à la sortie de l’hiver, lorsqu’elles sont pourvues de leur épiphragme et qu’elles n’ont pas encore couru ; ils leur trouvent un goût plus délicat. C’était un mets que l’on mangeait avec délices dans les derniers siècles. Les vrais gourmets en sont encore friands dans le nôtre, quoiqu’il soit assez lourd à digérer. Il est en grande réputation à Nancy ; aussi cette ville envoie au loin ses escargots[2]. Anciennement, tous les monastères d’Alsace et quelques châteaux avaient leur escargotière, espèce de réservoir où l’on nourrissait avec soin l’hélice vigneronne. Ce mollusque s’y propageait et acquérait, par une nourriture choisie, une qualité qui le faisait rechercher. La tradition rapporte que les escargotières des capucins du Weinbach et de Colmar jouissaient d’une certaine renommée, et que les amateurs laïques avaient la faculté de s’y approvisionner en payant. Ce petit commerce de gourmandise se pratiquait, sans aucun doute, dans toutes les localités où existaient des maisons monastiques.

  1. On rapporte, il est vrai, que les Romains faisaient usage des escargots, et qu’ils avaient poussé très-loin la science de les nourrir et de les améliorer. Mais peut-on croire qu’un pareil secret n’aura pas péri dans le naufrage général de la civilisation !
  2. Puton, Mollusques des Vosges, p. 9.