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laquelle se trouvait autrefois une chapelle consacrée à sainte Polona, avait la réputation, au dix-septième siècle, de donner les meilleures truffes de la contrée. C’est le topographe-gentilhomme Ichtersheim qui nous apprend : « Auf diesem Berg werden die schönsten Griebling (Artofile), ein Genus einer so gesagten Hirsch-Brunst gegraben (on déterre sur cette montagne les plus belles truffes, une espèce particulière de champigons[1]). » Et il ajoute qu’on expédie ces « délicatesses » bien loin dans l’Allemagne et même en France. Il paraît aussi que la quête des truffes sur cette montagne constituait un privilège soit seigneurial, soit communal, je ne sais lequel, car le même auteur dit qu’il était très-sévèrement défendu de se livrer à cette recherche.

Une mention que je trouve dans les anciens comptes communaux de Sainte-Marie-aux-Mines, me fait penser que l’on récoltait aussi la truffe dans les montagnes du val de Lièpvre : « 20 septembre 1673. Payé à Hans Caspar Hæderich pour un voiage qu’il a fait à Nancy par ordre de Monseigneur l’Intendant Poncet porter une boîte de triffles à Monseigneur de Louvois : 5 florins 36 kreutz[2]. » Allons, ces truffes du vieux temps n’étaient pas si méprisables, puisqu’un intendant de Louis XIV osait les faire porter de Sainte-Marie-aux-Mines à Nancy par un messager spécial, et les offrir en présent au dur et sombre Louvois. Il est regrettable que l’histoire ne nous apprenne point si le ministre du grand roi les a trouvées à son goût.

Dans tous les cas, nous savons qu’un autre personnage fameux les aimait à la passion. Le préteur royal de Strasbourg, M. de Klinglin, qui scandalisa toute l’Alsace, au milieu du dix-huitième siècle, par sa somptuosité et ses profusions, avait créé dans sa domesticité un office spécial qui devait assurer l’abondance de la truffe d’Alsace dans ses cuisines. Celui qui en était revêtu portait le titre de chasseur de

  1. Ichtersheim, Topograph. Alsatiæ, II, p. 30.
  2. Comptes communaux de Sainte-Marie-aux-Mines. Année 1673. (Archives du Haut-Rhin.)