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florissante lorsqu’il la transporta dans l’ancienne tribu des orfèvres, dite à l’Échasse, rue du Dôme. Doyen perfectionna savamment et consciencieusement l’œuvre de Close, et il doit être considéré comme le second fondateur du pâté de foie gras, comme celui qui en a le plus glorieusement répandu la célébrité et affermi l’empire. Il est le docteur et le pontife de cette phalange de pâtissiers habiles et heureux, les Jehl, les Fritsch, les Müller, les Blot, les Artzner, les Hummel, les Henry, qui soutiennent encore aujourd’hui avec éclat le vieux renom de l’invention succulente de Close le Normand.

Du foie gras à la truffe, la transition s’offre d’elle-même. L’Alsace produit ce cryptogame odorant et savoureux, en petite quantité, il est vrai, et d’une qualité inférieure à la truffe fameuse du Périgord. Notre truffe croît principalement dans la forêt de la Hart dont le sol est sec et sablonneux. Les règlements forestiers prohibant l’introduction des porcs dans les forêts, l’on ne peut se servir, en Alsace, de ces chercheurs infatigables et sûrs. Ce sont les habitants, hommes et femmes, des villages voisins de la Hart, qui en font la recherche et la cueillette en septembre et en octobre. Les femmes passent pour posséder, à un plus haut degré que les hommes, la sagacité naturelle ou le don divinatoire qui amène les riches récoltes. Elles ne doivent probablement ce privilège qu’à leur patience, à un esprit plus attentif et au désir de faire du profit. Ce sont elles aussi qui viennent les vendre dans les villes. L’on a réussi à dresser des chiens pour la quête des truffes de la Hart (Trüffelhunde). On les tient enfermés jusqu’à la saison de la récolte, pour ménager leur odorat et pour conserver à leur flair la finesse, la subtilité et la sûreté nécessaires pour cette chasse si délicate. L’ami de l’homme se montre très-intelligent et très-empressé dans cet office. On dirait qu’il a compris toute la valeur que la gourmandise de son maître attache à la truffe. Le porc n’est qu’un chercheur égoïste ; il déterre la truffe pour satisfaire sa propre sensualité ; le chien est un ouvrier désintéressé qui travaille pour l’honneur, et qui consacre ses facultés olfactives au