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CHAPITRE II

Aux hommes graves. — Fondation du pâté de foie gras. — Sa divulgation. — Les truffes alsaciennes. — Les escargots. — Une apparition de coquillages de mer. — Excursion chez les montagnards et les paysans. — Opinion du médecin Maugue sur la table alsacienne. — Une naïveté de Mlle de Montpensier. — Les poissons d’Alsace. — La pêche d’autrefois. — Richesse de nos rivières. — Quelques individus fameux. — Les poissons voyageurs du Rhin. — Les salaisons marines. — L’écrevisse. — Le marché aux poissons de Strasbourg. — Invasion lorraine. — Le poisson et les princes. — Les poissons antiques des pêcheurs strasbourgeois. — Influence d’une carpe du Rhin sur un financier de l’école de Fouquet.


L’art de nourrir le genre humain est un art louable et son histoire ne mérite point les dédains que les hommes graves affectent d’avoir pour ce sujet. Ô penseurs éthérés ! que vous auriez raison d’être si superbes, si vous ne viviez que dans les pures régions de l’idéal ! Ô hommes austères ! que vos mépris seraient édifiants, si vous consentiez à ne pas dîner, ou si, tout au moins, je pouvais me persuader que votre nature contemplative préfère une collation frugale à un dîner savant et bien ordonné ! Quand je vous verrai cette force d’âme, je croirai que le spectacle des variations de la philosophie, des religions et des empires, vous séduit autant que le tableau des variations de l’art culinaire. Quand je vous verrai tirer de la cendre de votre foyer la racine qui a fait la gloire de Curius Dentatus, je conviendrai que la vertu vous soutient plus que la bonne chère. Mais tant que vous me paraîtrez plus friands des œuvres de Véry que de celles de Leibnitz,