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par éprouvettes gastronomiques des mets d’une saveur reconnue et d’une excellence tellement indisputable, que leur apparition seule doit émouvoir, chez un homme bien organisé, toutes les puissances dégustatrices ; de sorte que tous ceux chez lesquels, en pareil cas, on n’aperçoit ni l’éclair du désir, ni la radiance de l’extase, peuvent justement être notés comme indignes des honneurs de la séance et des plaisirs qui y sont attachés[1]. » Puis, il classe les éprouvettes en trois séries ; un énorme pâté de foie gras de Strasbourg, ayant forme de bastion, figure dans la série des éprouvettes suprêmes, des éprouvettes à haute pression. Et le philosophe raconte qu’une fois, à l’apparition d’un gibraltar de foie gras accompagné d’un coq vierge de Barbezieux, truffé à tout rompre, « toutes les conversations cessèrent par la plénitude des cœurs ; toutes les attentions se fixèrent sur l’art des prosecteurs ; et quand les assiettes de distribution eurent passé, il vit se succéder, tour à tour, sur toutes les physionomies, le feu du désir, l’extase de la jouissance, le repos parfait de la béatitude ».

J’aurais trahi la gloire de ma patrie si j’avais laissé dans l’oubli ces lignes qui peignent si vivement la puissance d’exaltation gustuelle dont est doué le plus célèbre produit gastronomique de l’Alsace.

  1. Physiologie du goût. Paris, 1843, Ire partie, p. 143.