Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/43

Cette page n’a pas encore été corrigée

de genévrier ; et nous, y avons-nous renoncé ?… À quelques-uns, peut-être, parce que nous ne les avons plus trouvés assez délicats. Aux moineaux, par exemple, dont nos anciens raffolaient au point de les réserver pour les malades et les convalescents ; au geai et à la pie, que nous répudions comme trop coriaces. Voilà bien de quoi vanter notre sensibilité, quand nous exterminons le serin, le rouge-gorge et le roitelet ; le roitelet, qu’on épargnait autrefois ainsi que le rossignol, parce que, dit un vieil auteur alsacien, leur doux ramage et le don qu’ils ont de prédire les changements de temps nous réjouissent plus que ne pourrait le faire la chair de leurs petits corps. L’hirondelle, comme aujourd’hui, échappait à la proscription, du moins comme mets, mais les apothicaires la réclamaient pour la brûler et faire de sa cendre, mêlée au miel et au saindoux, un remède souverain pour les angines. La huppe devait son salut à sa chair fétide, le martin-pêcheur à la même cause plus encore qu’à son magnifique plumage, la cigogne blanche à sa confiance dans l’hospitalité alsacienne. Mais c’était fête à la cuisine des gens du commun lorsque apparaissaient le choucas, la corneille, le corbeau. On prétend encore aujourd’hui que le corbeau produit un bouillon excellent. Les curieux peuvent en faire l’essai. Si l’on s’en rapporte au vieux naturaliste Belon, les Français auraient été encore moins délicats que les Alsaciens, puisqu’il assure que le sacre, le vautour et le faucon, rôtis ou bouillis, sont bons à manger. Le médecin Champier ne connaissait pas de régal supérieur aux jeunes coucous.

L’implacable appétit de nos ancêtres avait tellement répandu et exagéré l’industrie destructive des oiseleurs, que le magistrat de Strasbourg avait cru devoir, très-anciennement déjà, en réprimer les excès. Le 4 mars 1622, les oiseleurs de Strasbourg réclamèrent contre les vieilles ordonnances (alte Ordnung) qui prohibaient l’oisellerie après le 1er mars. Mais la chambre des XXI tint ferme et répondit qu’elle maintenait les anciens statuts[1].

  1. Protocoles des XXI, ann. 1622, p. 80. Archives de la ville de Strasbourg.