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1643, la pièce capitale du banquet, avec une lettre que l’histoire nous a conservée. « J’envoye à votre Excellence, dit-il, un coq-bruant mis en paste et couvert de son plumage, à la façon qu’on les sert sur la table des princes d’Allemagne. » — On se console de bien des faiblesses quand on sait que le grand Condé ne se nourrissait pas exclusivement de gloire, et je crois que j’aurais mieux aimé le voir en face du coq-bruant de Dachstein qu’en face des Impériaux sous les murs de Fribourg.

Parmi les palmipèdes, les sauvages étaient préférés aux domestiques. Ainsi l’oie sauvage, le canard sauvage, la cercelle, et surtout les macreuses du Rhin étaient des morceaux renommés. Le petit cours d’eau qui traverse le ban de Jebsheim avait le privilège d’attirer les plus nombreuses bandes de canards sauvages[1]. — Une friandise supérieure encore étaient les poules d’eau, les vanneaux, les plongeons, les cailles, les courlis, les bécassines. Les grandes espèces d’oiseaux de passage n’étaient pas dédaignées non plus. Ainsi l’on mangeait les grues, les cygnes à bec noir, les cigognes noires, les hérons, les cormorans[2] ; mais quoiqu’on réputât ces volatiles bons pour la cuisine, on convenait pourtant qu’ils faisaient plutôt l’affaire des grands mangeurs que des mangeurs délicats.

Pour les oiseaux indigènes, on était à peu près sans scrupule. Tous les chantres ailés des champs et des bois étaient voués au sacrifice. Hélas ! avons-nous plus de pitié aujourd’hui ? Nos pères mangeaient les pinsons, les mésanges, les alouettes, les cujeliers, les grimpereaux, les pics-verts, les pic-noirs, les torcols, les verdières, les linottes, les fauvettes, les bergeronnettes, les moineaux, les litornes, les rousserolles, les gros-becs, les étourneaux, les merles, les grives, surtout celles qui se nourrissaient des graines

  1. Ichtersheim, 2e partie, p. 89.
  2. Rabelais nous apprend au livre IV, chapitre LIX, du Pantagruel que les grues et les hérons n’étaient pas dédaignés par les gastrolâtres de son temps. On sait, en effet, que François Ier avait fait établir des héronnières à Fontainebleau.