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grand rôle dans la société du Wagkeller. Il est qualifié dans les papiers de la société de « vin très-excellent et ayant incontestablement la préférence sur tous les autres crus de l’Alsace ».

Le Wagkeller s’éteignit pauvrement après avoir joyeusement vécu. Le Magistrat de Colmar, pressé de dettes et ne sachant où prendre de l’argent pour payer les quartiers d’hiver des troupes de France, vendit une grande quantité de l’argenterie de la société ; le surplus de cette argenterie fut successivement distribué entre ses membres. Henri Frédéric Moog, licencié ès-lois, essaya de la rétablir en 1713, mais elle ne vécut depuis lors, jusqu’en 1795, que d’une vie incertaine et factice. Elle s’assembla encore de temps en temps « pour bien goûter cet excellent vin et regagner sa santé en se réjouissant » ; mais elle ne put ranimer l’esprit et la vie d’un temps qui n’était plus. Cependant elle avait conservé dans son sein quelques bons pantagruélistes qui sembleraient avoir eu l’étoffe nécessaire pour remettre sur pied une si louable et si utile institution. L’un de ces pantagruélistes trouvait que rien n’était plus commode que le Wagkeller « quand on vouloit donner à manger à un ami, et que les femmes sont presque toujours ou ridicules ou impertinentes ou travaillant à leurs lessives ; c’est là que les maris buvant leur chagrin, passent leur temps plus agréablement qu’avec ces belles créatures quelquefois fort importunes[1] ». Le compliment est court et ne donne assurément pas une haute idée des inspirations galantes du Kœrenberg.

Passons de l’institution bourgeoise du Wagkeller à l’institution chevaleresque de la confrérie du Hoh-Barr.

À l’ouest de Saverne et dominant la vieille résidence épiscopale, s’élève une montagne de moyenne altitude dont le sommet est couronné d’un immense, fantastique et âpre rocher, poste de vigie que la nature a placé entre l’Alsace et la Lorraine. Les évêques de Strasbourg ont bâti sur ce rocher un château fort, le Hoh-Barr. En 1586, il tombait en ruines ; le temps, les guerres, les tempêtes

  1. Notice sur le Wagkeller, Revue d’Alsace, 1853, p. 542.