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abbayes. Dans nos monastères d’Alsace, la cave et l’église étaient les parties principales de l’édifice. Ils récoltaient les meilleurs vins du pays. L’on ne sait si la Providence les a placés à dessein presque tous dans des endroits fameux, ou si ces vignobles privilégiés sont des créations de la sagesse et du travail des moines. Ce qui est sûr, c’est qu’ils donnaient plus d’attention à la vigne du Seigneur qu’à l’arbre de la science. « Si les vapeurs vous tourmentent encore, écrivait l’abbé Grandidier à Dom Grappin, venez les chasser dans nos contrées ; vous trouverez dans nos abbayes peu de science et point de bibliothèques, mais de la bonhomie et du bon vin[1]. » Les caves de Murbach étaient renommées entre toutes. Fischart parle de leurs vieux foudres qui ressemblent à des montagnes, Berggebürende alte Fuder[2].

Grâce à ces musées bachiques et à de nombreuses collections particulières, riches et toujours tenues au courant de tous les progrès, la science poculative, en Alsace, ne courait point de danger de déchoir ou de se perdre. L’on ne s’y fia point pourtant. À côté des musées qui conservaient les trésors, il s’éleva des écoles, des institutions qui se chargeaient de maintenir les bonnes traditions et de favoriser le développement des hautes études. Quand les rats commencent à se fixer, qu’ils ont acquis un certain degré de maturité, ils se manifestent volontiers sous la forme d’académies, de compagnies savantes. L’utilité de ces occasions est démontrée. Elles aident autant aux progrès théoriques qu’aux perfectionnements pratiques. On obtient de la puissance des intelligences associées ce qu’on serait longtemps à attendre des efforts isolés du génie.

L’Alsace possédait des instituts de ce genre, ouverts au plaisir, à la gaîté, à l’art de bien vivre, au besoin de sociabilité ; ils répondaient à nos cercles, à nos clubs, à nos casinos. La pensée en était essentiellement laïque, mais les personnes ecclésiastiques en

  1. Lettre du 20 décembre 1779. Revue d’Alsace, 1855, p. 331.
  2. Fischart, Gargantua, ch. vi, édition de 1608.