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des stipendes destinées à leur procurer les douceurs d’un pot de vin. Le produit de la vigne eut l’honneur d’être destiné à des offrandes pieuses, à des fondations charitables, vinum charitatis, disent les vieux titres. Rodolphe de Rheinfelden, de Bâle, légua en 1296 des biens à l’église de Saint-Léonard, à charge par le custode de distribuer, chaque année, à l’anniversaire de sa mort, une mesure de bon vin blanc aux pauvres de l’hôpital, et Élisabeth de Bollwiller fit, en 1343, un pareil legs aux pauvres de Soultz[1].

« On prétend, dit Grandidier, que les Allemands constituoient à une époque reculée un nombre considérable de ces fondations, persuadés qu’ils étoient que les morts se réjouissoient beaucoup, lorsque les vivants buvoient bravement à leur mémoire[2]. »

Au seizième siècle, le prévôt du château de Girbaden régalait chaque visiteur d’une grande cruche en forme de hibou, remplie d’un vin généreux et que l’étranger devait vider à la santé des maîtres du castel[3].

À Montbéliard, le vin était devenu une monnaie pénale ; il servait de Wehrgeld pour certaines infractions spéciales ; les membres du Magistrat qui manquaient, sans excuse valable, aux assemblées, étaient taxés à une pinte de vin au profit de la compagnie, et toute contravention aux statuts des corporations de métiers était punie d’un quartal du même liquide[4].

Le Conseil souverain d’Alsace s’occupa plus d’une fois de réglementer la matière que nous traitons. En 1682, il abolit les bombances qui se faisaient aux enchères de la dîme ; en 1712, il supprima les buvettes fabriciennes ; en 1731, il défendit de planter des vignes dans la plaine ; en 1735, il autorisa la province à conserver ses anciennes mesures de capacité et la dispensa de suivre le règlement royal sur la dimension légale des bouteilles[5]. En 1718,

  1. Trouillat, Monum. de l’évêché de Bâle, t. II, p. 640, et t. III, p. 809.
  2. Grandidier, Histoire de l’Église de Strasbourg, t. II, p. 325.
  3. Schweighæuser et Golbéry, Antiquités de l’Alsace, t. Ier, p. 65.
  4. Duvernoy, Éphémérides, p. 465.
  5. Corberon, Ordonnances d’Alsace, pp. 165, 504, 801, 871.