Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/355

Cette page n’a pas encore été corrigée

du départ, devant l’hôtel de ville, en pleine rue, devant la foule accourue, dans des coupes de vermeil, dans d’immenses hanaps d’argent, au bruit des fanfares et des acclamations populaires. Presque toujours, on le prenait étant déjà à cheval. En France, cette ovation vineuse portait le nom de coup de l’étrier. À Mulhouse, on ne manquait jamais de la décerner aux envoyés du peuple suisse[1].

La vie intime, la vie de tous les jours, avait aussi son coup de l’étrier. On le prenait avant de se coucher. Cette buvette finale s’appelait Schlaftrunk, coup du soir, coup du sommeil. Il était en usage chez tous les gens qui étaient en état de se donner cette douceur, bons bourgeois, riches marchands, gentilshommes, chanoines, abbés, etc. Le Schlaftrunk exigeait du bon vin, cordial, généreux, des années fnotables. Plus habituellement il consistait en vins factices ou aromatisés, en sirops, en juleps, en électuaires à base de pruneaux, de coings, de cerises, d’anis, de graines ou d’herbes odorantes, de fruits savoureux et parfumés, exotiques ou indigènes. Au milieu du seizième siècle la cérémonie du Schlaftrunk était devenue, chez les gens des hautes classes, un véritable banquet nocturne où l’on servait à profusion des volailles, des poissons, du gibier, des pâtisseries, des confitures, des épices fines, des sucreries recherchées, et toutes les curiosités lointaines accumulées chez les apothicaires[2].

D’autres coutumes témoignent d’une pensée charitable envers les pauvres gens. Ainsi, quand on faisait, tous les sept ans, la reconnaissance du ban et des pierres bornes du Gemein-Rieth, indivis entre sept communes, le bourreau de Ribeauvillé, auquel appartenaient de droit les bêtes mortes de ces localités, était tenu de se rendre en gala à Illhæusern et d’y conduire un tonnelet de vin qui était distribué aux pâtres[3]. On créait aussi en faveur des pauvres

  1. Petri, Mülhausens Geschichte, 424. — Mieg, idem, t. Ier, p. 178. — Voyez aussi Alsatia de 1851, p. 172.
  2. Jér. Bock, Teutsche Speiskammer, Strasbourg, 1550. In-fol., ch. xix.
  3. Grandidier, Vues pittoresques d’Alsace. Guémar, p. 10.