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aucun marché qu’on n’aille le terminer au cabaret, et les ventes publiques et les enchères se font le verre à la main[1]. »

Certaines coutumes, à part la corruption qui les atteignit et le désordre où elles tombèrent, avaient leur origine dans un sentiment louable en soi. Elles venaient de la bonhomie cordiale, de l’esprit de convivialité de l’ancien temps. Leur dépravation seule fut un mal. Tel fut, par exemple, le Wilkomm. C’était le coup de la bienvenue offert à un ami qui arrivait ou à un hôte que l’on voulait honorer. Les verres de notable dimension qui servaient à cette cérémonie en prirent le nom. Cet usage a passé chez les Français et chez d’autres peuples. Ménage a enregistré le Vel-com dans son dictionnaire. « C’est un mot allemand, dit-il, qui signifie un grand verre dans lequel les Allemands boivent à la santé de leurs amis, à leur arrivée. Ils se servent du même mot en leur présentant un grand verre plein du meilleur vin. » Les abus du Wilkomm arrachaient, il y a deux siècles, à un poëte alsacien cette âpre censure :


Das Wilkomm sauffen hat der Teufel
Zu Hof erdacht ; darum ich zweifel
Ob solche Leut auch Christen seyn
Dieweil sie sauffen wie die Schwein[2].


(Boire à la bienvenue est une invention du diable d’enfer ; c’est pourquoi je mets en doute si les gens qui boivent comme des porcs dans ces occasions sont des chrétiens.)


Tel fut encore le Johannistrunk, le coup de la Saint-Jean. Cette cérémonie était usitée pour témoigner à des hôtes d’importance le respect et l’affection qu’on leur portait ; elle avait quelque chose d’officiel et de public ; c’était comme un dernier hommage rendu par la cité, le couronnement de l’hospitalité nationale. Les princes, les gouverneurs, les généraux, les ambassadeurs, tous les personnages qu’on voulait honorer d’une marque suprême de sympathie, obtenaient le Johannistrunk. Il se donnait au moment

  1. Morel, Statistique de l’ancien évêché de Bâle, p. 266.
  2. Moscherosch, Philander von Sittenwald. Strasbourg, 1653, t. Ier, p. 229.