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son gobelet d’un seul trait était peu estimé. Dans les réunions privées, les sociétés de chant, les congratulations et autres petites fêtes, c’était encore Bacchus qui présidait. On ne consommait que du vin du pays ; mais depuis environ cinquante ans nos fabricants d’indienne, qui gagnaient de l’argent en dormant, ont commencé à faire connaissance avec le champagne et le bourgogne. Ces excellents vins calmèrent leur soif brûlante jusqu’à ce que l’un ou l’autre se trouvât forcé de redescendre au petit cru de Zillisheim. Cette mode de boire a peu diminué[1]. »

Ce penchant général pour le vin ne peut pas étonner chez des peuples où régnait comme un article de foi ce proverbe émis par un des hommes les plus célèbres dans l’histoire du monde :


Wer niemals einen Rausch gehabt,
Der ist kein braver Mann.


(Qui n’a jamais eu une pointe[sic] n’est pas un honnête homme.)


S’il fallait multiplier les preuves qui établissent irréfutablement la puissance d’absorption et la pente décidée de nos aïeux, je parlerais des cinq chopines de vin allouées journellement aux chanoines de Strasbourg et de la recommandation qui leur était faite de ne pas s’enivrer[2]. Ceux de Bâle, en certains grands jours, allaient jusqu’à dix chopines et trois hanaps d’extra[3]. Je rappellerais avec quel cérémonial la margrave de Bade buvait à Thann, en 1469[4] ; les 48 mesures de vin bues par les envoyés suisses, à Mulhouse, en 1515[5] ; l’opinion de Wimpheling[6], les peintures de Séb. Brant[7] ; le mémoire de l’intendant La Grange, les coups de langue du médecin Maugue, cent choses que j’ai semées dans les divers chapitres de ce travail et auxquelles j’ajouterais encore tant

  1. Math. Mieg, Mülhausens Geschichte, 1816, t. Ier, p. 34.
  2. Grandidier, Histoire de l’église de Strasbourg, t. Ier, p. 179.
  3. Trouillat, Monum. de l’évêché de Bâle, t. II, p. 650.
  4. Revue d’Alsace, 1859, p. 404.
  5. Mieg, loc. cit., t. II, p. 136.
  6. Catalog. episcop. arg., p. 93.
  7. Narrenschiff, ch. xvi.