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au commandement de ses supérieurs ecclésiastiques et séculiers, et de secourir son prochain, en cas de besoin, que celui-là absorbe humblement et avec reconnaissance la part que Dieu lui a permis de prendre. Qu’il se garde bien cependant de passer la limite des six mesures, car il est rare que la bonté infinie du Seigneur accorde à un de ses enfants la faveur qu’il a bien voulu me faire, à moi, son serviteur indigne. Je bois huit pots de vin par jour et pas un de vous ne peut dire qu’il m’ait jamais vu livré à une injuste colère, injurier mes parents ou mes connaissances, oublier ou même négliger un seul de mes devoirs. Vous m’avez, au contraire, toujours trouvé prêt à faire tout ce qui peut être agréable à Dieu et utile à mon prochain. Que chacun de vous, mes frères, se fortifie donc le corps et se réjouisse l’esprit avec la quantité de vin que la bonté divine a voulu lui permettre d’absorber[1]. » Notre évêque Jean de Lyne[2] était un homme à prêcher de cette façon ; et Gœthe n’était pas mal choisi pour recueillir cette homélie, lui qui aimait tant à boire du vin de Hongrie chez le charretier de Weheditz, et qui ne paraissait supportable à Mme de Staël qu’avec une bouteille de champagne dans la tête[3].

Plus près de nous, et chez des gens qui n’ont pas l’excuse des entraînements de la poésie, à Mulhouse, le culte de la dive bouteille ne prospérait pas moins. Voici un coup de crayon assez vif que nous devons au bonhomme Mathieu Mieg. « Il est juste aussi de remarquer que nos ancêtres étaient des héros en beuverie de vin. Les nobles avaient leurs poêles réservés ; le commun des bourgeois se réunissait en hiver dans les tribus ; il y buvait du vin dans des cruches ou des canettes d’étain, en fumant la pipe et en jouant aux cartes ou aux dés. Pendant l’été les épreuves se faisaient dans les maisons de tir, et celui qui ne buvait point

  1. Gœthe, Mémoires. Voyages sur le Rhin, t. II, p. 308.
  2. Revue d’Alsace, 1860, p. 9.
  3. Gœthe, Mémoires, t. Ier, p. 456 et 418.