oublier le chagrin qu’il ressentait de voir sa femme attaquée de la peste[1].
À Bâle « plusieurs se plaignirent à M. de Montaigne de la dissolution des fames et yvrognerie des hommes[2] ». En Allemagne, Montaigne « se conformait aux commodités du pays jusqu’à boire le vin sans eau. Quant à boire à l’envi, il n’y fut jamais convié que de courtoisie et il ne l’entreprit jamais. Leur vin se sert dans des vesseaux comme grandes cruches et est un crime de voir un gobelet vide qu’ils ne remplissent soudain, et jamais de l’eau, non pas à ceux mêmes qui en demandent, s’ils ne sont bien respectés[3] ». Quand Érasme passa à Schlestadt, le Magistrat l’honora d’un présent de trois cruches du vin le plus exquis, qui auraient suffi à contenter dix grands buveurs, decem tricongiis satis esse possint[4]. Fischart rapportait ces goûts immodérés à l’ardeur du foie des Allemands, qui attire et aspire le vin comme le soleil de l’après-midi pompe l’eau[5].
Les Alsaciens portaient leur soif partout où ils allaient. Louis XIV força, en 1686, le régiment d’Alsace à dédommager les habitants d’Angers, où il tenait garnison, des excès qu’il avait commis par artifice et par violence dans leurs maisons[6]. Gœthe nous a conservé un bien curieux sermon d’un archevêque de Mayence sur la manière d’user du vin ; l’archevêque de Mayence était un de nos voisins. « Que celui qui au troisième ou au quatrième pot, dit-il, sent sa raison se troubler au point de ne plus reconnaître sa femme, ses enfants, ses amis, et de les maltraiter, s’en tienne à ses deux pots, s’il ne veut pas offenser Dieu et se faire mépriser par son prochain ; mais que celui qui, après en avoir bu quatre, cinq ou six, reste en état de faire son travail et de se conformer