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remplis de prescriptions inspirées par le spectacle de ce genre d’excès. Au onzième siècle, les Lombards reprochaient aux Teutons la grossièreté de leurs mœurs, leur goinfrerie et leur penchant à boire, gulositatem et animos vino deditos[1]. Les papes exigeaient des empereurs d’Allemagne le serment de sobriété avant leur couronnement : Vis sobrietatem cum Dei auxilio custodire[2] ? Wenceslas avait dit oui, comme les autres, et cependant étant à Reims, en 1397, pour négocier avec la France, il aima mieux un soir qu’il était hors d’état de discuter, accorder ce qu’on demandait que cesser de boire. Le poëte Gaspard Bruschius disait de ses compatriotes et principalement des gentilshommes :


Illic nobilitas œterno nomine digna
Exhaurire cados, siccareque pocula longa.


En 1465, l’ammeister de Strasbourg fut forcé de faire élever au double l’allocation destinée à assurer le Scharwechtern-Trunk[3]. Paulli raconte une anecdote qui peint vivement l’empire des passions bachiques dans le peuple du quinzième siècle. Un paysan et sa femme avaient fait vœu de ne plus boire de vin hormis le pot de vin attaché aux marchés qu’ils feraient. Au bout de quinze jours, la femme aurait volontiers bu un coup. Ils possédaient un âne. Vends-moi ton âne, dit-elle à son mari. Il y consentit et ils burent ensemble le pot de vin du marché. Le lendemain, elle revendit l’âne au mari ; nouveau marché, nouveau pot de vin ; et ils continuèrent ainsi sans rompre leur vœu[4]. Jérôme Bock se plaint, au seizième siècle, de la mauvaise réputation qui avait été faite aux Allemands sur le fait de la boisson[5]. Le médecin Epiphanius de Porrentruy la méritait bien, lui qui s’enivrait pour

  1. Mediolani hist., t. II, p. 22, extrait de la chronique de Landulff l’ancien.
  2. Grandidier, Notice sur la confrérie du Hoh-Barr, p. 10.
  3. Archiv-Chronick. Code dipl. de Strasbourg, p. 183.
  4. Paulli, Schimpf und Ernst, p. 100.
  5. Kreuterbuch, p. 418.