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de paille, le passum des latins (Strohwein), faisait leurs délices. Celui de Colmar, de Kaysersberg, de Riquewihr, étaient célèbres. On connaissait encore anciennement, chez nous, le clairet, vin mélangé de miel (clara potio), l’hypocras, le vin aromatisé (pigmentum), l’hydromel vineux, le « vin bruslé que les Allemands estiment beaucoup » et dont le meilleur était fourni par Kaysersberg[1] ; le Treseney que Buchinger a décrit dans son Koch-Buch, etc.

Il existe aux archives du Haut-Rhin, fonds de la Régence d’Ensisheim, une série de pièces relatives aux achats de vin que les archiducs d’Autriche faisaient faire en France, missives de commande, instructions, lettres de crédit, épîtres de recommandation. Ces achats se faisaient principalement en Bourgogne, mais il s’en faisait aussi dans le Lyonnais et dans le Languedoc. En 1632, en pleine guerre de Trente ans, la Chambre de la Régence adresse le sommelier de l’archiduc à un marchand de Besançon qui est chargé de lui délivrer les finances nécessaires pour ses achats de clairet ; elle lui remet une lettre pour le parlement de Dôle qui est prié de faciliter les acquisitions. Un régistrateur du dix-septième siècle, qui avala plus de poussière que de rouge-bord, a placé sur cette liasse de documents une fiche indicative ainsi libellée : « Appetitus bibendorum vinorum francicorum scilicet muscatellum, Lugdunensis, mascon, Frontignan, titillabat gulas, durante bello, illustrissimarum istarum personarum, junctis prunis de Languedoc. Hinc varia jussa, rescripta, responsoria, prefectorum in Belfort, et testimonia conductusque vectigalium exarati fuerunt. Totus hic fasciculus in eo est occupatus ut res posteritati nota fiat, sed charta sicca[2]. » Ce vieil archiviste était assez libre en son langage ; il se vengeait à sa manière. À coup sûr, ce qui lui déplaisait le plus, ce n’était pas la dépense, mais la sécheresse des papiers qu’il classait, comme

  1. Duval, loc. cit., p. 31.
  2. Archives du Haut-Rhin. Fonds d’Ensisheim. — Je suis redevable de cette intéressante communication à M. Brièle, archiviste du département.