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verve s’échauffer au contact de nos grands crus. Ehrenfried Stœber, poëte par nature, mais notaire d’occasion, chantait :


Helljesteiner, Muschkedeller,
Volxemer unn Kitterle,
Richewirer, Berger, Zeller,
Lutter gueti Winele !…
Vivat’s Elsass, unser Laendel,
Diss so gueti Winle het[1] !


(Heiligenstein, muscat, Wolxheim et Kitterle, Riquewihr, Bergheim, Zeller, tous vins exquis ! Vive l’Alsace, notre bon petit pays, qui produit ces vins si délicieux !)


Arnold, un jurisconsulte, un professeur de droit romain, entrait encore plus au cœur du sujet :


Un was sinn nit d’Wyn so guet !
Sinn dies Kopfynfyrer !
Escheressler, Dirkebluet,
Bebler un Rapschwyrer,
Strohwyn, Kläwner, Finkewyn,
Duen wie Gold im Becher ;
Kydderle unn Rangwyn
D’œrgste Wadebrecher[2].


(Et que nos vins sont excellents ! Comme ils chauffent nos têtes ! Le vin au goût de sorbe, le sang des Turcs, le Beblenheim, le Ribeauvillé, le vin de paille, le Klæwener, le Finkenberg, brillent comme l’or dans nos gobelets ; le Kitterle et le Rang sont les plus redoutables brise-mollets.)


Le peuple honorait le bon vin à sa manière, par des métaphores reconnaissantes ou louangeuses : il l’appelait Landskraft (vigueur du pays), Türkenblut (sang des Turcs), Octoberthee (thé d’octobre), etc. Le thé d’octobre me semble plus noble que la purée septembrale de Rabelais.

Il était inexorable sur le mauvais vin. Quand il s’agissait de rabaisser, d’injurier les produits des années malheureuses ou ceux

  1. Ehr. Stœber, Daniel oder der Strassburger. Strasbourg, 1825. In-8°, p. 29.
  2. Arnold, Pfingstmontag, 1816, p. 177.