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septième et huitième siècles, comme cultivant des vignes. Quand les fils de Louis le Débonnaire se partagèrent l’empire de Charlemagne par le traité de Verdun, Louis le Germanique obtint l’Alsace dans son lot, afin d’avoir des vignobles dans ses domaines. Les Frisons, qui faisaient au neuvième siècle le principal commerce du Rhin, charriaient sur ce fleuve des vins d’Alsace et de Bourgogne qu’ils conduisaient à Cologne[1]. Félix Fabri, moine d’Ulm, disait que le vin d’Alsace était tellement renommé partout qu’on l’envoyait au loin et au large : longuè latèque circumducitur[2]. Nos vins avaient étendu leur réputation même dans la France, si riche pourtant sous ce rapport. Le fabliau de la Bataille des vins, par Henri d’Andelys, qui est du treizième siècle, l’atteste :


Vins d’Aussay et de la Moselle.


Et le poëte ajoute que ces vins avaient la gloire de désaltérer les Allemands[3].

Au quatorzième et au quinzième siècle, l’Alsace abreuvait plusieurs pays lointains. Froissart nous apprend que l’on buvait nos vins en Angleterre, dès 1327, en concurrence de ceux de Gasgogne et du Rhin : « bons vins de Gasgogne, d’Aussay et de Rhin à très bon marché[4]. » À cette époque les vins de Bourgogne ne sortaient pas encore de cette province, tandis que les nôtres étaient recherchés par toute l’Europe. « Les vins si généreux qui mûrissent sur les coteaux escarpés des Vosges sont conduits avec beaucoup de peine et à grands frais soit par bateaux, soit par charrois chez les Souabes, les Bavarois, les Bataves, les Anglais et les Espagnols qui les paient à haut prix[5]. » Du temps de Sébastien Munster ils pénétraient jusqu’en Suède[6].

  1. Grandidier, Histoire de l’Église de Strasbourg, t. II, p. 132.
  2. Schilter, Script. rerum germanic., t. II, p. 25.
  3. Legrand d’Aussy, Vie privée des Français, t. II, p. 399 ; t. III, p. 4.
  4. Froissart, Chron., liv. Ier, Ire partie, ch. xxxii, édition Buchon.
  5. Gebwiler, Panegyr. Carolina, p. 14.
  6. Munster, Cosmographia, p. 807.