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quand les sanglots et les cris de douleur ont retenti sur la tombe, quand tous les assistants ont jeté un dernier regard dans la fosse, tout le monde rentre dans la maison mortuaire. Là on trouve les tables dressées dans la grange, même dans la chambre où quelques heures auparavant gisait le cadavre, et le festin funéraire commence pour finir très-souvent, sous l’influence des libations trop répétées, par les démonstrations bruyantes d’une gaîté déplacée et même par des rixes. Triste contraste, usage barbare, qui jure autant avec les sentiments d’affection qu’avec le respect dû aux morts, et qui n’a pas même ce cachet du mépris de la mort que portent les fêtes funèbres de l’antiquité[1]. »

Cette coutume existait aussi dans le pays protestant de Montbéliard, et les obsèques des princes n’étaient pas plus exemptes de ces mangeries que l’humble inhumation du paysan. « J’eus l’honneur, dit le conseiller Perdrix, d’assister aux funérailles de S. A. et de souper au château où le peu d’ordre qu’il y avoit en rendit beaucoup de mécontents[2]. »

Les repas funèbres sont pareillement pratiqués dans la Lorraine vosgienne : « On a conservé dans les campagnes la coutume de donner un repas funèbre dans la maison mortuaire aux parents et aux amis qui ont assisté à l’enterrement. Ces tristes agapes étaient autrefois d’une grande simplicité ; on n’y servait pas de vin ; — aujourd’hui il n’est pas rare de voir, dans ces réunions, chacun, le verre à la main, boire tant et si bien qu’on semble avoir totalement oublié celui dont on vient de déplorer la perte… En 1614, c’était encore l’usage à Remiremont de porter et de laisser sur les tombeaux du pain, du vin, du sel et autres choses qui ressentent les superstitions et vanitez des Gentils, dit l’ordonnance de réformation[3]. »

  1. Piton, Strasbourg illustré, t. II, p. 183.
  2. Perdrix, Chronique, 27 juillet 1662.
  3. Richard, Traditions populaires de la Lorraine, p. 118.