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Il semble que les gens et les courtisans de l’empereur aient été fort sujets à leur bouche. Ils avaient bonne grâce de censurer les réceptions qu’on leur avait faites, eux qui servaient une maison qui marchandait la dépense faite par la régence d’Ensisheim en 1583 pour héberger Frédéric de Wurtemberg et prescrivait de ne plus traiter aucun personnage ni prince sans un ordre émané d’elle[1].

La ville de Strasbourg était moins parcimonieuse ; elle régalait, au contraire, très-volontiers les étrangers de distinction et les fonctionnaires royaux.

Quand Pigalle vint, en 1776, poser le monument de Maurice de Saxe à Saint-Thomas, la chambre des XIII délibéra, sur la proposition du préteur, de témoigner sa reconnaissance à M. d’Angevilliers par un présent de cent bouteilles de vin du Rhin, et de faire à l’artiste la galanterie d’un déjeuner, eine Galanterie von einem déjeuné, dit le protocole en son allemand quelque peu welche[2].

Si la république était libérale à faire des cadeaux, elle n’entendait pas que ses dignitaires en reçussent. L’ammeister Jean Melbrüh, qui avait accepté un envoi de gibier de la part d’un prince, fut condamné en 1458 à une forte amende et à la privation infamante des honneurs funèbres[3].

Ce souvenir m’amène à envisager la cuisine dans ses rapports avec la mort. Je ne dirai rien des anciens, les cérémonies de leurs funérailles et leurs idées sur la fin de la vie humaine sont trop connues. Elles ne sont pas, d’ailleurs, de mon sujet. Ils redoutaient toutefois moins que nous d’aller souper chez Pluton. Les vieux Germains aussi considéraient le trépas avec peu d’effroi, grâce aux espérances solides que contenait le Walhalla. Comment se fait-il que le christianisme, cette religion toute d’esprit, de douces consolations, d’une si vivante confiance dans la miséricorde de

  1. Archives du Haut-Rhin, Fonds de la régence d’Ensisheim.
  2. Memoriale der XIII. 20 July 1776. Archives de Strasbourg.
  3. Bussière, Établissement du protestantisme en Alsace, p. 16.