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haut de la table, sa femme à droite, ses fils à gauche, les filles à côté de la mère, puis les domestiques. Au milieu du dix-septième siècle encore, les valets, les servantes, les couturières et les laveuses prenaient leur repas à la même table qu’un ammeister de Strasbourg ; on ne les exilait pas même à la cuisine si l’ammeister avait invité un étranger à dîner. Ils mangeaient de tous les plats qu’on servait, soupe, légumes, viande, rôti. On ne connaissait pas le dessert comme pratique journalière ; tout au plus le dimanche il y avait des gâteaux frais, et chaque domestique alors en recevait un avec un verre de vin[1]. Chose singulière ! depuis que les principes d’égalité sont admis comme un dogme social, les domestiques sont relégués à manger dans la cuisine, même chez les petits bourgeois. Il est vrai qu’autrefois les domestiques s’élevaient par l’affection, la fidélité, le dévouement et la longueur des services, presque au rang de membres de la famille, tandis que de nos jours ils ne sont guère que des industriels de passage dans nos maisons, et les traversent à la hâte pour voler à la caisse d’épargnes.

Cependant, déjà dans les temps anciens, il leur arrivait parfois de desservir désagréablement leurs maîtres, comme le firent les gens de la suite de l’empereur Ferdinand Ier, dans son voyage d’Alsace en 1555, où ils se permirent de forger une litanie qui irrita les habitants de plusieurs de nos cités. Rassemblant les souvenirs du traitement que la cour avait reçu dans six villes impériales de la province, ils caractérisaient ainsi l’hospitalité qui leur avait été donnée :


À Landau (liederlich) pitoyablement ;
À Wissembourg (nachgiltiglich) passablement ;
À Haguenau (demütiglich) humblement ;
À Strasbourg (prächtich) magnifiquement ;
À Schlestadt (baurisch) rustiquement ;
À Colmar (freundlich) amicalement[2].


  1. Ancienne Revue d’Alsace, année 1836, p. 347.
  2. Hermann, Notices, t. Ier, p. 173.