Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/320

Cette page n’a pas encore été corrigée

plaçait à table ; quand tous les convives avaient pris séance, chacun mettait son chapeau. On ne l’ôtait plus, dans le cours du repas, à moins qu’on ne portât une santé ; alors on se tenait debout et découvert ; mais cela n’était de mise que chez les personnes de la plus haute qualité, « car pour celles qui ne sont pas si éminentes et entre lesquelles il y a peu ou point de différence, il ne faut pas violer la maxime de la table, qui est de ne point se découvrir, l’usage l’ayant tellement établi, que l’on passerait pour un nouveau venu dans le monde d’en user autrement ». On se découvrait aussi lorsque la personne chez qui l’on était invité vous adressait la parole et lorsqu’on lui répondait, et on en usait ainsi jusqu’à ce qu’elle le défendit expressément. Enfin on se découvrait en se levant de table et pendant qu’on disait grâces.

La prière avant et après le repas n’était jamais négligée ni chez les catholiques, ni chez les protestants ; elle était une constante habitude dans l’intérieur des familles, aussi bien que dans les festins publics. Dans les monastères elle s’étendait parfois en un formulaire assez compliqué. J’ai déjà fait connaître le Liber benedictionum de Saint-Gall[1]. Le Benedicite des capucins de Colmar donnera une idée des impressions terrestres qui pouvaient se mêler à ces actes de dévotion. « Si vous avez des aliments savoureux et agréables, que votre âme se reporte vers la bonté céleste, en se disant : Ô Seigneur que ton esprit est suave ! ou bien : Que tes paroles sont douces à ma bouche ! Si, au contraire, on te sert des mets insipides et fâcheux, songe au repas suprême du Christ, et que l’homme ne vit pas seulement de pain terrestre, mais de toute parole venant de Dieu[2]. »

Anciennement les domestiques mangeaient à la même table que leurs maîtres, excepté dans la noblesse. Dans la bourgeoisie c’était la règle. Du temps de Louis XIV, les repas, en Alsace, se faisaient en commun, comme le travail. Le maître était assis au

  1. Revue d’Alsace, année 1860, p. 125.
  2. Exercitia spiritualia F. F. Capucinor., p. 170.