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couteau ou une fourchette[1]. » Tel est le plus gros des règles d’abstention. Passons maintenant à ce qui est du bel air, en fait d’action, selon notre Aristarque. « En vous plaçant à table ayez la tête nue ; essuyez toujours votre cuillère, quand, après vous en être servi, vous voulez prendre quelque chose dans un autre plat, y ayant des gens si délicats, qu’ils ne voudraient pas manger du potage où vous l’auriez mise, après l’avoir portée à la bouche ; joignez les lèvres en mangeant pour ne pas lapper comme les bêtes ; que si par malheur vous vous brûlez, souffrez-le patiemment si vous pouvez ; mais si vous ne pouvez pas le supporter, prenez proprement votre assiette d’une main, et la portant contre la bouche, couvrez-vous de l’autre main et remettez sur l’assiette ce que vous avez dans la bouche, que vous donnerez par derrière à un laquais, car la civilité veut bien qu’on ait de la politesse, mais elle ne prétend pas qu’on soit homicide de soi-même ; la bienséance demande qu’on porte la viande à la bouche d’une seule main, et pour l’ordinaire de la droite, avec la fourchette ; quand on a les doigts gras, il faut les essuyer à la serviette et jamais à la nappe, ni à son pain ; observez de ne jamais rien jeter à terre, à moins que ce soit quelque chose de liquide, encore est-ce mieux fait de le remettre sur l’assiette ; ne goûtez point le vin, et ne buvez point votre verre à deux ou trois reprises, car cela tient trop du familier, mais buvez-le d’une haleine et posément, regardant dedans pendant que vous buvez, je dis posément, de peur de s’engouer, ce qui serait un accident fort malséant et fort importun, outre que de boire tout d’un coup, comme si on entonnait, c’est une action de goinfre, laquelle n’est pas de l’honnêteté ; il faut aussi prendre garde en buvant de ne pas faire du bruit avec le gosier pour marquer toutes les gorgées que l’on avale, en sorte qu’un autre pourrait les compter. »

En ce temps-là, c’était encore l’usage de manger la tête couverte. On ne se découvrait qu’au benedicite et au moment où l’on se

  1. Prévost, Éléments de politesse et de bienséance, p. 82 à 96.