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Enfin, il y aurait de l’ingratitude à ne pas citer Formis, l’ancien cuisinier de Félix Desportes, l’un des artistes les plus corrects et les plus vigoureux de la grande école française. L’imagination, la fougue, le coloris étaient ses dons particuliers ; ses œuvres avaient un caractère de grandeur romaine quasi-épique. C’était le Rubens de la cuisine.

L’Alsace a aussi ses écrivains-cuisiniers, ses théoriciens. Aucune province, assurément, n’en peut présenter autant. Notre littérature culinaire s’ouvre, au seizième siècle, par le traité qu’Anne Keller, femme de Jean-Jacques Wecker, médecin à Colmar, composa pour former d’honorables cordons-bleus ; elle dédia son livre à la princesse d’Orange. J’ignore où il a été imprimé, n’en ayant jamais vu d’exemplaire ; je soupçonne que c’est à Bâle, chez les Froben, où son mari faisait imprimer son traité de médecine, en 1585.

La deuxième grammaire gastronomique que je rencontre est celle de Bernardin Buchinger, abbé de Lucelle, chevalier d’église au Conseil souverain d’Alsace, homme grave et docte en toutes matières. Elle porta le titre de Kochbuch so für geistliche als auch weltliche Haushaltungen, c’est-à-dire, Livre de cuisine pour les ménages religieux aussi bien que pour les laïques. Ce traité a été imprimé à Molsheim en 1671[1]. Buchinger ne l’a pas signé ; sa dignité le lui interdisait ; l’auteur y prend la qualité de geistlicher Küchenmeister des Gotteshauses Lützel (cuisinier ecclésiastique du monastère de Lucelle). Le dix-huitième siècle ne fournit aucun monument ; il se pourrait pourtant qu’il en possédât et que je ne les connusse point. J’accepterais avec gratitude l’occasion qui me serait fournie de combler cette lacune regrettable, si, comme je le crains, c’en est une. Après la grande crise révolutionnaire apparaît le Cuisinier bourgeois de Buisson, restaurateur français qui s’établit à Strasbourg dans l’hôtel du maréchal Luckner, où il prit pour enseigne le mot allemand de Busch qui n’était que la

  1. Voyez Revue d’Alsace, 1860, p. 115, à la note.