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France par Louis XII, n’est arrivé en Alsace qu’avec les fonctionnaires français ; le chou rouge n’est connu que depuis le seizième siècle, et le chou-fleur depuis le voyage royal de 1744.

Parmi les légumineuses, nos pères prisaient surtout l’espèce de lentilles venue de la Lorraine ; les pois chiches, notre légume, disent les vieux botanistes ; le Spiregau passait pour fournir les meilleurs ; les haricots de France qu’on mangeait verts. Les fèves d’Allemagne ou de marais étaient un mets abandonné aux pauvres, tandis que les haricots blancs, malgré la réputation qu’ils avaient de porter à la mélancolie, jouissaient d’un excellent renom ; une poule grasse aux haricots était un plat d’autorité et de grande liesse. Les lupins même n’étaient pas dédaignés, après qu’ils avaient trempé quatre-vingts heures dans l’eau.

Les farineux cuits au lait étaient nécessairement, comme aujourd’hui encore, une ressource alimentaire importante, surtout à l’époque du carême, et en tout temps, pour les femmes, les enfants et les vieillards. Outre ceux que l’usage a conservés, je citerai une espèce de riz, appelé le riz d’Allemagne, le blé de maïs, la farine d’avoine, le millet et une de ses variétés connue sous le nom de panic.

Le vieux temps était friand de salades ; mais il n’était pas difficile, comme le nôtre, sur ce point. Le vinaigre, le sel, quelques herbes parfumées, quelques gousses aromatiques suffisaient à l’assaisonnement ; l’huile n’y jouait qu’un rôle à peu près nul. On ne voyait l’huile d’olive que sur les tables opulentes qui l’empruntaient à l’apothicaire. L’huile de navette, de pavot ou de noix défrayait les tables de la bourgeoisie, du commun peuple et des paysans. Je suis fondé à penser qu’il y eut même un temps où l’huile était absolument inconnue dans les salades alsaciennes. Elle n’y est encore que très-parcimonieusement représentée aujourd’hui, surtout dans l’usage populaire. Elle ne fut longtemps considérée que comme raffinement antinational, et frappée de l’excommunication patriotique qui pesait sur toutes les délicatesses de la sensualité italienne. Son usage ne se répandit que sous la domination