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Quant on traitait avec économie, que l’on donnait un festin à des évêques, à des ambassadeurs, à quelque grand personnage enfin, il était d’usage et du bon ton de parer extraordinairement la salle où l’on mangeait.

Lors du renouvellement de l’alliance de Mulhouse avec la Confédération, en 1520, la ville invita les envoyés suisses à un grand souper sous l’Hôtel-de-Ville ; « la salle était entièrement ornée et tendue d’étoffes orientales et de riches tapis ; des crédences chargées d’argenterie la décoraient et le sol était jonché d’herbes fraîches[1] ».

Plus d’un siècle après, Moscherosch disait : « Que la table soit parsemée de fleurs et le planchier[sic] de feuillages et herbes odoriférantes et qu’outre cela on face un parfum d’oisselets de cipre, de mastix ou d’encens, de benjoin ou de bois de cannelle… Je ne vois plus rien qui nous manque sinon de l’eau de rose dans l’aiguière[2]. » Les ablutions préépulaires et postépulaires étaient jusqu’au commencement du dix-huitième siècle une cérémonie importante. Depuis cette époque, elles tombèrent en désuétude. Je lis dans un vieux livre qui traite de la politesse : « S’il arrive qu’une personne de qualité vous retienne à manger, ne demandez point à laver, si on ne vous présente le bassin, et ne lavez point avec elle, sans un commandement exprès… Ce n’est plus la coutume chez les personnes de qualité de présenter à laver, et ceux qui croient en avoir besoin, doivent sortir et se laver hors de l’appartement[3]. » Cela me paraît, en effet, plus propre et plus bienséant que de faire sa lessive en société. Je préfère pourtant cet ancien usage à celui que les Anglais nous ont imposé de se rincer la bouche à table. Celui-là me semble être le comble de la malpropreté et le plus malheureux emprunt que nous ayons pu faire aux mœurs britanniques. Le professeur

  1. Petri, Mülhausens Geschichte, p. 250.
  2. Moscherosch, Adeliches Leben, p. 158.
  3. Prévost, Éléments de politesse. Strasbourg, 1766, p. 82.