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Israël Münckel, le riche possesseur de mines vosgiennes, qui avait, à Strasbourg, un hôtel (Bergherren-Hof), était renommé pour sa précieuse argenterie formée, dit Buheler, de la manière la plus pure[1]. Au dix-septième siècle, les princes de Montbéliard ne mangeaient plus dans l’étain ; Léopold-Frédéric avait de l’argenterie, mais, à sa mort, en 1662, une partie de sa vaisselle était in partibus infidelium ; il l’avait mise en gage[2] pour avoir de quoi manger dans celle d’étain qui lui restait. Dans la plupart des maisons monastiques, les religieux, à l’exception de l’abbé et de quelques dignitaires, n’usaient que d’étain ; mais les couvents de chanoinesses, comme Andlau et Masevaux, étaient servis en argenterie ; les dames de Masevaux furent volées d’une notable partie de la leur dans l’année 1723[3]. Il va de soi que les cardinaux de la maison de Rohan effaçaient toute la province par la splendeur de leur service de table. Il le fallait bien ; ils tenaient une véritable cour, recevaient d’un bout de l’année à l’autre, donnaient des fêtes aux princes, aux grandes dames, aux dauphines et même au roi. Et puis Mme de Soubise avait été si belle, et l’évêché de Strasbourg était si gras ! L’or et l’argent reluisaient dans leurs palais comme à Versailles. « Il est connu », dit Beck en parlant d’Armand-Gaston de Rohan, « que ce prélat avait une argenterie des plus riches ; toutes les ustensiles, même celles de la cuisine étaient de ce métal[4] ». Il en perdit une quantité considérable dans le vol dont il fut victime en 1747, lors de l’étalage qu’il en avait fait pour la réception de la dauphine. Je pense que le préteur Klinglin avait eu l’esprit de se pourvoir convenablement aussi de cet élément indispensable à la dignité d’une grande maison. Peut-être que s’il avait duré, s’il n’avait pas été prématurément arrêté dans son essor de grand seigneur fantaisiste, lui aurions-nous vu

  1. Piton, Strasbourg illustré. Faubourgs, p. 142.
  2. Perdrix, Chronique, année 1662.
  3. Chronique des Dominicains de Guebwiller, p. 386.
  4. Beck, Factum contre le préteur Klinglin, p. 11.