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choux blancs, les gros navets, les concombres, les citrouilles, et, sur la fin du seizième siècle, la précieuse solanée empruntée au nouveau monde. Au temps des vendanges se faisaient les compotes de gros fruits, la marmelade de raisin avec le miel pour condiment. Enfin, l’hiver complétait cette riche nomenclature en y ajoutant toute la famille des légumes secs, tels que pois, vesces, lentilles, fèves, haricots. C’est aussi dans cette saison que l’on mondait l’orge et l’avoine, qu’on préparait le millet, qu’on s’approvisionnait de moutarde et de raifort pour assurer les sauces d’hiver.

Nous sommes encore loin de la fin. J’ai rendu hommage à la méthode en énumérant une partie des richesses potagères de la vieille Alsace dans l’ordre de leur apparition annuelle. Mais il y a une foule d’usages culinaires que l’on ne regrettera pas de connaître, bien que je ne les classe que selon le caprice de ma mémoire. Qu’on soit tranquille, si je ne cite guère d’autorités, ce n’est pas pour me donner la coupable liberté d’inventer et de faire de la fantaisie. Je ne parle qu’appuyé sur des témoignages certains et écrits ; mais, je l’ai dit, je ne veux pas prendre l’allure grave d’un savant en un pareil sujet ; je conte, voilà tout. Faut-il, par hasard, des justifications et des preuves pour faire admettre que le chènevis était anciennement mangé comme légume ? que les racines de gyrole étaient un mets familier aux gens de travail, et les pois verts relevés de persil le plat que les physiciens recommandaient aux accouchées ? Cela est tout naturel et ne doit pas plus surprendre que l’usage adopté par les gens riches de faire apprêter les feuilles de bette avec du vin et de fortes épices. Chez nos anciens, tout ce qui était vigoureux, caustique, violent, était à peu près réputé bon. Un de leurs mets favoris de carême était les faséoles et les pois blancs froids, baignant dans une sauce de forte moutarde. Les racines et les jeunes filles de bistorte étaient une délicatesse. Il était tout simple dès lors de laisser la fade et innocente laitue cuite aux vieillards et aux estomacs débiles. On ne trouve que très-tard des mentions de l’artichaut, des choux-fleurs et des choux rouges. C’est que l’artichaut, apporté en