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La poterie est presque aussi ancienne que l’homme lui-même ; c’est un art enfanté par le besoin. La vaisselle de terre cuite constituait anciennement, comme encore de nos jours, le service de cuisine et de table du peuple. Jusqu’au treizième siècle on ne connut que la poterie rouge, brute et rugueuse, rude au toucher et âpre à la lèvre. Un potier de Schlestadt, dont le nom est demeuré inconnu, possédait, en 1283, le secret de la revêtir d’un vernis ou d’une glaçure[1]. Cette industrie eut dès lors des sièges importants en Alsace, à Strasbourg, à Sufflenheim, à Haguenau, à Heimbach, à Wissembourg. Cologne et Coblentz fournissaient à notre province leur poterie de grès (Steingut) si renommée ; Batzendorf en produisit dès le dix-septième siècle. Les maisons riches tirèrent d’abord leurs faïences ou majoliques de l’Italie, puis de la France et principalement des fabriques de Nevers établies par Henri IV ; au dix-huitième siècle on en établit une manufacture à Haguenau. J’ai vu des faïences artistiques, plats, soupières, assiettes ; Marbach en avait un service très-original, dont il reste un échantillon que possède M. Bendelé à Eguisheim ; c’est une soupière qui figure une tête de chou ; elle est très-bien faite. La porcelaine était un objet de luxe suprême qu’on ne voyait guère que chez les Rohan, chez l’intendant, et chez les maréchaux qui commandaient dans la province. Elle venait d’abord d’Albrechtsburg en Saxe, plus tard de Saint-Cloud, de Vincennes, de Sèvres et du Limousin. La verrerie commune venait d’Allemagne et de Lorraine ; la verrerie fine était tirée à Venise ; on ne voyait que chez les riches et dans les occasions solennelles, les verres vénitiens, venedische Trinkglesser[2]. Les premières verreries alsaciennes datent du dix-septième siècle ; elles furent établies à Wildenstein, à Hahrberg, au Soldatental, au Hang, à Mattstall,

  1. Annales et chronique des Dominicains de Colmar, édition de 1855, p. 111. Le potier de Schlestadt ne découvrit pas le procédé de glacer la poterie, qui se perd dans la nuit des temps, mais il le retrouva et le propagea dans les pays germaniques. Les Arabes le pratiquaient déjà au douzième siècle.
  2. Fischart, Gargantua, liv. IV, ch. iv, édition de 1608.