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spécialement dans le service de sa table la discipline, le goût et le confortable que nous y voyons régner aujourd’hui, ce serait entreprendre un énorme labeur. Chacun peut mesurer par sa propre expérience ce que trente ou quarante années ajoutent d’améliorations, de nouveautés, de singularités au fonds des anciens usages. La conquête romaine, l’invasion barbare, l’infiltration continue des mœurs germaniques dans la masse de la population celtique, la prédominance de l’Église et le poids oppressif du régime féodal pendant la sombre époque qu’on a justement appelée les siècles de fer du moyen âge, la barbarie de la barbarie ; plus tard, les croisades, la lumineuse renaissance du treizième siècle, la rechute du quatorzième, l’invention de l’imprimerie, la découverte de l’Amérique et des grandes routes maritimes du globe, le réveil final des lettres classiques, la réforme religieuse, la guerre de Trente ans, la paix de Westphalie, le règne de Louis XIV, la domination de la philosophie au dix-huitième siècle, la Révolution et l’empire napoléonien, toutes ces grandes démonstrations sociales que le genre humain a saluées de ses acclamations ou marquées de son sang ont emporté ou apporté quelque chose de la vie familière et domestique. À chaque crise correspond une transformation de mœurs, la ruine de quelques vieux usages, l’introduction de coutumes nouvelles. Je ne crois pas qu’il soit possible de décrire dans son ordre chronologique cet incessant travail de décomposition et de recomposition des mœurs. J’en ai, selon les occasions qui se sont rencontrées, disséminé de nombreux traits dans les diverses parties de ce travail. Il est plus convenable de les laisser où ils sont, et où ils reçoivent de ce qui les environne la lumière qui les explique, que de les rassembler ici pour en former un froid système. Je ne donnerai donc quelques indications que sur des sujets non encore touchés dans cette étude.

La vaisselle et les instruments employés dans le service de la table ont de tout temps, chez les peuples civilisés, joué un double rôle ; un rôle de nécessité, d’utilité, et un rôle de luxe et d’agrément, un rôle décoratif proprement dit.