Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/291

Cette page n’a pas encore été corrigée

Partout, l’autorité veillait scrupuleusement au respect des deux derniers commandements de l’Église. À Ensisheim, pays d’obéissance autrichienne, les valets de police avaient mission de visiter les auberges et les boutiques de pâtissiers pour s’assurer de la stricte observance du maigre[1].

Dans les villes qui adoptèrent la Réforme, le carême et toutes les prescriptions du même genre furent immédiatement abandonnés. À Strasbourg leur suppression fut prononcée légalement. Un acte du Magistrat, du mois de février 1523, abolit tous les jours de jeûne et d’abstinence et décréta que pendant le carême on vendrait publiquement de la viande comme en temps ordinaire[2].

Je le dis en toute humilité, il paraît qu’il y eut un temps où les avocats du barreau de Colmar, et vraisemblablement ceux de toute l’Alsace, ne se recommandaient point par les habitudes de frugalité et de modération qui sont l’honneur de leurs mœurs et la nécessité de leur profession. Ils ne se contentaient pas autrefois, comme je le fais, de regarder la cuisine à travers les vieux livres et de faire de l’histoire ancienne. Ils la regardaient, au contraire, de pleine face et d’un œil trop réjoui, et donnaient à l’actualité et aux exercices pratiques plus de temps que je n’en consacre à la théorie. Aussi l’avocat général Le Laboureur se sentait-il autorisé à les réprimander assez vivement dans la harangue de rentrée qu’il prononça, en 1684, devant le Conseil souverain qui siégeait alors encore à Brisach. « Vous devez fuir avec soin, leur disait-il, tout ce qui peut vous écarter de votre employ, comme sont ces trop fréquents voyages à vos maisons de campagne, les trop longues promenades, les bonnes tables, les danses, les conversations voluptueuses[3]. » Cette vitupération magistrale, si on l’envisage bien, équivaut à une prescription

  1. Merklen, Histoire d’Ensisheim, t. II, p. 124.
  2. Trausch, Chronique. Mss., 2e partie. In-fol., p. 91.
  3. Recueil de harangues prononcées devant le Conseil souverain d’Alsace. Mss. appartenant à M. H Wilhelm, avocat.