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se débitera à raison de 6 sous et 8 deniers le pot, le nouveau à 4 sous 4 deniers. Les baigneurs qui n’apporteront ni leur lit, ni leur linge, paieront, par semaine, y compris les frais de blanchissage, 13 sous 4 deniers. Une disposition curieuse, sous le rapport de la propreté et de l’hygiène médicale, est celle-ci : « Les pauvres gens qui voudront profiter d’un bain lorsque le baigneur en sera sorti, donneront 1 sol et 4 deniers. » Ah ! mon Dieu, il a toujours été incommode d’être pauvre, même dans le bon temps et sous la crosse du prince-abbé de Murbach.

L’on peut aussi ranger parmi les lois somptuaires, bien qu’elles aient un caractère plus spécialement religieux et pénitentiaire, l’institution du carême et l’abstinence de la viande les vendredis et les samedis. L’histoire du carême offrirait bien des traits singuliers qui pourraient autoriser les esprits mal faits à douter de la constance des doctrines de l’Église. Le beurre et le lait furent tolérés, par exemple jusqu’au quatorzième siècle ; mais en 1365, le concile d’Angers classa ces deux substances parmi les aliments gras. Heureusement, l’évêque de Strasbourg, Albert de Bavière, imagina, vers 1478, de solliciter du pape la faveur de laisser manger du beurre dans son diocèse pendant le temps du carême. Le pape l’accorda et l’évêque la convertit en un bon et fructueux impôt. Quiconque voulait user licitement de beurre payait une taxe proportionnée à son état de fortune. Tout le peuple et le clergé étaient si fatigués du maigre radical que les coffres épiscopaux se remplirent. Albert put racheter ses terres et ses revenus engagés, et de l’argent qui lui resta il fit fondre une fort belle artillerie que le peuple appela les canons de beurre[1] (Ankenbüchsen). Les oiseaux et les poissons ayant été créés le même jour, selon la Genèse, la volaille a longtemps passé pour un aliment maigre. Saint Odon de Cluny avait une opinion bien fixée sur ce point ; les conciles étaient unanimes et saint Thomas d’Aquin pensait comme les conciles. Je ne sais plus qui s’avisa de trouver

  1. Berler, Chronick. Code diplomatique de Strasbourg, p. 94.