L’on fut plus tolérant sur les abus qui réjouissaient les baillis et officiers de justice. Quand ils procédaient à l’audition des comptes de fabriques, on avait soin de corriger la sécheresse naturelle aux opérations du calcul par des buvettes abondantes et même par des repas en bonne et due forme. Mais, en 1712, le Conseil souverain simplifia les comptabilités ecclésiastiques en interdisant aux baillis toute dépense de ce genre[1]. Les gens du roi, toujours puritains et qui ne comprennent pas les demi-vertus, insistèrent pour que la défense atteignit aussi les curés. Le Conseil n’osa pas donner cette affliction aux serviteurs de Dieu, et ceux-ci restèrent en possession du droit d’étancher leur soif aux dépens d’une partie des revenus de leur église.
L’Église avait aussi promulgué ses règlements somptuaires. Je les ai indiqués en faisant connaître le régime adopté pour les chanoines de Strasbourg et les Bernardins de Lucelle. Ces règlements tantôt ont la forme législative directe, tantôt ils se cachent dans de simples programmes culinaires ; mais le but est toujours visible. Un des grands soucis de l’Église fut de maintenir dans les chapitres l’obligation de manger en commun. Elle y voyait un moyen de mieux faire observer ses prescriptions et de soustraire les clercs à la tentation de faire bonne chère en cachette. Mais l’usage de la vie commune disparut de bonne heure. Dans le chapitre de Bâle, il cessa au douzième siècle déjà ; dans celui de Strasbourg un peu plus tard. Au quinzième siècle, le grand-chœur de la cathédrale n’avait plus conservé de la commensalité ecclésiastique qu’un souvenir. Ses membres mangeaient ensemble à certains jours de l’année seulement, et pendant le carême. Depuis le mercredi des Cendres jusqu’au jeudi saint, ils se rendaient au réfectoire après la grand’messe. Ils prenaient place à trois classes de table, suivant le rang qu’ils tenaient à l’église ; à la tête de la première table siégeait le roi du chœur. Après la lecture d’un chapitre de saint Augustin, des enfants de chœur servaient.
- ↑ Corberon, loc. cit., p. 504.