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tribus qui en avaient adopté la coutume, la faculté de fêter la visite annuelle de l’ammeister dirigeant et de tenir table ouverte pendant le temps des deux grandes foires de Noël et de la Saint-Jean.

S’il était devenu nécessaire de modérer l’intempérance du bourgeois dans la vie civile, à la tribu, l’on juge bien que cette nécessité ne fut pas moins grande dans les occasions où il endossait le harnais militaire et se rendait au tir à l’arquebuse. L’ordonnance réprime les collations excessives et les poculations prolongées qui couronnaient inévitablement les chaudes journées où les riflemen strasbourgeois du dix-septième siècle se formaient aux travaux de la guerre. Les capitaines des compagnies de tireurs devaient veiller à ce que tout excès fût banni de ces exercices patriotiques.

Un mandement de 1570 avait déjà réglementé les parties de plaisir, les promenades dominicales que faisaient nos ancêtres dans les villages et endroits de plaisance répandus autour de Strasbourg. Mais l’habitude et l’esprit de l’époque les avaient converties en bombances tellement outrées qu’en 1620, le Magistrat, effrayé des progrès du mal, crut devoir interdire absolument toute dépense de bouche dans les auberges suburbaines dans un rayon d’un mille. La prescription était trop rude pour durer. « Nous pourrions la maintenir, dit le législateur de 1628, mais comme nous ne voulons pas priver nos bourgeois d’un plaisir honnête et de quelques récréations modestes, nous permettons de nouveau ces parties de campagne, à la condition qu’on n’y fera que de simples collations, qu’on ne négligera point, pour ces promenades, le service religieux et l’enseignement de la parole de Dieu, et qu’au dehors, aussi bien qu’à la rentrée dans la ville, on s’abstiendra de chanter, de crier, de faire tapage ou de se livrer à toute autre démonstration bruyante et déréglée. »

Tel est le tableau d’ensemble qu’offre, sous le rapport de la police gastronomique, le fameux règlement somptuaire de 1628. Il n’est pas bien rigoriste ; il n’atteint que les excès, sans cesser d’être indulgent pour l’humaine faiblesse. L’on ne pouvait pas attendre d’une république alsacienne, où dominait la sensualité