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étrangers auront le droit de se faire servir comme ils l’entendront et avec la liberté la plus illimitée.

L’ordonnance concède une douceur à l’ammeister dirigeant. Le maître d’hôtel (Haupt-Kan) qui tenait le poêle réservé aux chefs de la république (Ammeister-Stube) était autorisé à suivre ses inspirations lorsque l’ammeister recevait à sa table des étrangers, et dans tous les repas de cérémonie qu’il donnait ; on s’en rapportait à sa sagacité pour proportionner l’honneur du traitement à l’importance des occasions. Tant vaut l’homme, tant vaut le dîner.

Une partie essentielle dans l’organisation des tribus de métiers, c’était la cuisine. Du temps de Geiler, en 1501, elle jouait déjà un rôle excessif, et notre grand sermonaire en était si frappé qu’il suppliait l’autorité de modérer la marche de ce rouage administratif qui élevait les habitudes gastronomiques du vieux Strasbourg à une puissance scandaleuse[1]. En dépit de nombreuses réformes et de persistantes admonestations officielles, le mal avait duré et était grand encore en 1628. La tribu était le domicile politique du bourgeois ; il s’y sentait plus libre et plus important que chez lui. Dans sa maison, il n’était que chef de sa famille ; ici, il était citoyen, membre de l’État. Cette situation était exigeante. Il était presque un fonctionnaire public et se traitait volontiers comme tel. Les repas d’admission, les régals à l’examen des chefs-d’œuvre de maîtrise étaient devenus une source de dépenses et d’abus. L’on supprima les premiers et l’on restreignit les seconds. On ne conservera dans son entière franchise que le repas d’honneur offert aux échevins à leur entrée en charge (Schœffel-Imbis) ; encore y assistait-on si on le voulait. Beaucoup de bourgeois avaient pris le pli de goûter au poêle de la tribu ; ils ne le purent désormais qu’une fois par semaine, jusqu’à six heures en hiver et sept heures en été, et l’on ne devait y servir que des mets froids. Il est enjoint aux chefs des tribus de veiller à ce qu’aucune réunion n’usurpe sur l’heure du prêche. L’on maintient, du reste, aux

  1. Schnéegans, Pfingstfest, 1851, p. 49.