inflexiblement que les cuisiniers n’avaient aucun droit à cette immunité[1]. L’histoire nous signale de grands personnages qui ont mis leur gloire dans la perfection avec laquelle ils apprêtaient certains mets ; à quoi bon les citer ? Arrêtons-nous seulement à ce que nous ne savons que d’hier ; le savant auteur du Voyage d’Anacharsis ne trouvait rien de comparable aux œufs brouillés que faisait avec passion la duchesse de Lauzun[2]. Le roi Louis XIII, qui eut le génie de laisser gouverner Richelieu, avait appris la cuisine dans toutes ses branches ; il excellait particulièrement à manier la lardoire. — La lardoire, puisque ce mot se trouve sous ma plume, a été elle-même une révolution dans l’art culinaire. On a cru longtemps qu’il fallait attribuer l’honneur de sa découverte au cuisinier de Léon X ; mais on sait aujourd’hui que son invention est plus ancienne de cent années, et qu’il faut la reporter au temps du concile de Bâle ; c’est le cuisinier d’Amédée de Savoie (élu pape à Bâle en 1440 et qui prit le nom de Félix V) qui en gratifia l’humanité. De toute façon, comme on le voit, nous devons ce progrès à la papauté[3].
Tout, dans l’art culinaire, a paru tellement important, que les moines avaient tiré de l’Écriture une méthode particulière de dépecer et de partager la volaille quand ils en mangeaient dans la compagnie des laïques. Cette méthode, bien entendu, était à leur avantage. Elle nous est connue par une anecdote rapportée par le franciscain Jean Paulli de Thann. « Un gentilhomme avait convié à sa table son confesseur qui était un moine ; sa femme, ses deux fils et ses deux filles étaient du repas. On servit un chapon pour rôti. Le gentilhomme présenta le chapon au moine afin qu’il le dépeçât. Le moine s’excusa dévotement sur son ignorance bien naturelle en pareille matière ; mais le chevalier insista. — Puisque vous l’exigez, seigneur, répliqua