Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/242

Cette page n’a pas encore été corrigée

résidaient dans certaines substances, l’imagination humaine s’est laissée persuader qu’il existait des mets et même de simples plantes condimentaires qui avaient la vertu de rendre les femmes plus tendres et les hommes plus aimables qu’à leur ordinaire. Cette opinion est-elle fondée, et la science l’a-t-elle consacrée ? C’est aux physiologistes à nous fixer sur ce point. Les plus célèbres paraissent d’accord pour reconnaître cette prérogative éminente à la truffe, et on les voit pareillement d’accord pour en user. La truffe ne jouissait pas de cette gloire chez nos aïeux. Leur expérience s’exerçant dans un cercle plus modeste avait seulement remarqué les vertus notables que possédaient les asperges, les navets, le cresson, le safran, les ciboulettes, les panais, l’orchis (Knabenkraut), le muguet jaune (Waldstroh), la sarriette, la moutarde, la serpentaire infusée dans le vin[1] ; l’anis avait la réputation d’exercer les plus douces influences sur le cœur du sexe faible, et l’on ne doutait point que les feuilles d’abrotomme (Staubwurtz), placées sous le chevet du lit nuptial, ne concourussent, par la magie de leurs mystérieux effets, à l’accroissement des familles. Si tous ces végétaux étaient considérés comme honorables et nobles au premier chef, il en était d’autres qui, par contre, étaient voués au mépris le plus absolu, les feuilles et les fleurs de saule, par exemple, les froids concombres, les apathiques lentilles, la laitue que l’on accusait de produire des sommeils invincibles et profonds, la rue commune à l’odeur nauséabonde, et au dernier rang, le frigide nénuphar qui a si longtemps vécu sur la fausse gloire d’avoir détourné de l’esprit des solitaires chrétiens les tentations de la volupté ; cette plante jouait, au moyen âge, un rôle important dans la discipline des couvents ; mais le botaniste Bock remarque avec malice que si elle est secourable aux moines, comme on le croyait alors, les moines montraient peu de penchant à en user.

En général, l’histoire des épices et celle des substances à qui

  1. Fuchs, Neu Kreuterbuch, édition de Bâle, 1543, passim, et tous les vieux botanistes.