et du plaisir à manger), dit un ancien médecin[1] ; un verre de malvoisie ou de Rheinfall avec une bouchée de pain ; cet appétitif avait, en outre, le privilège de chasser le mauvais air[2] ; des grains d’anis[3] ; l’abbé Buchinger recommandait le vin d’aulnée (Aland-Wein) ; c’était du vin cuit, préparé avec du moût, et dans lequel plongeait un sachet qui renfermait onze espèces d’aromates : racine d’aulnée, cannelle, girofles, zestes de citron, muscade, sauge, hysope, centaurée, fleurs de bourrache, fleurs de bétoine et cardon-bénit[4] ; il préconisait aussi le vin de Vermouth (Wermuth-Wein), dans lequel il ne veut pas faire infuser moins de vingt espèces de plantes aromatiques[5] ; le botaniste Fuchs en faisait aussi grand cas ; il lui reconnaissait entre autres mérites celui de fortifier les facultés digestives de l’estomac, d’exciter l’appétit, et d’écarter, quand il était pris à jeun, tout danger d’ivresse pour le restant du jour ; mêlé à de l’huile de roses, il formait un stomachique excellent[6]. Ce genre de sensualisme avait pénétré jusque dans le sauvage Ban-de-la-Roche ; dans cette contrée, l’on retirait l’huile essentielle de la semence de sésélicarvi, au moyen de la distillation, et l’on en mettait quelques gouttes dans la soupe, à titre de stomachique et d’apéritif[7]. Les digestifs capitaux des paysans de notre pays étaient l’ail et la moutarde ; l’ail que les vieux docteurs appellent la thériaque rustique et qui est en possession de chasser le mauvais air ; la moutarde, aimée du sage Pythagore, et dont Jérôme Bock explique le crédit sur le goût des paysans par la double raison qu’ils espèrent gagner, dans son usage, une plus grande subtilité d’esprit, et que d’un autre côté, cette composition éclaircit le cerveau, ranime la vitalité de l’estomac, aide la digestion et favorise les entreprises galantes[8].
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