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Les fruits cultivés en Alsace au seizième siècle ont inspiré à un peintre demeuré inconnu une bizarre fantaisie artistique. Il a représenté les quatre saisons dans quatre figures humaines exclusivement formées de fruits et de légumes en usage dans notre pays. L’hiver emprunte ses joues pâles à deux navets, son front ridé à deux pommes reinettes ; une poire longue fait l’office du nez, deux carottes à la pointe effilée figurent les moustaches menaçantes, et un radis noir forme la barbe ; cette tête est coiffée d’une feuille de chou blanc qui a très-exactement pris la forme du chef. Les autres figures sont exécutées dans le même goût et avec les éléments végétaux fournis par chaque saison. Ces quatre tableaux qui avaient été peints pour la salle d’assemblée de la tribu des jardiniers de Strasbourg, se trouvent aujourd’hui dans la salle capitulaire de l’église de Sainte-Aurélie[1].

Les vieux livres nous apprennent que l’on n’a pas toujours mangé, comme nous le faisons actuellement, les fruits au dessert. En France, au seizième siècle encore, on les mangeait au commencement du repas ; puis venaient seulement les mets chauds, les viandes. Après celles-ci, on servait, pour la digestion, les épices, qui constituaient à proprement parler le dessert. C’étaient des sucreries, des aromates confits, des électuaires. Je n’ai point vu que l’Alsace ait suivi, en cette matière, la même mode que la France, et il me semble bien certain que de tout temps le fruit y a été présenté à la fin du repas. Mais pour ce qui concerne l’usage des aromates confits, elle s’était conformée au goût universel. Nos ancêtres mangeaient, sur la fin du repas, de l’anis, du fenouil et de la coriandre confits au sucre. Les roses jouaient un rôle considérable dans le service de leur dessert ; ils en tiraient des sirops, du miel, un sucre célèbre, et les convertissaient en compote[2]. Le sucre de fleur de pêcher était une délicatesse hors

  1. Piton, Strasbourg illustré. Faubourgs, p. 114. M. Piton en a donné une excellente représentation par le procédé du lavis-aquarelle inventé par M. Simon.
  2. Bock, Kreuterbuch, déjà cité, V° Rosen.