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noyers qui décorent une partie de ses routes, notamment dans la basse province. Une ordonnance de cet administrateur avait prescrit l’emploi du noyer pour la plantation des chemins publics[1]. Il me semble que cette mesure était plus sage que celle adoptée par notre école polytechnique qui, pendant longtemps, ne plantait rien, et qui, maintenant, ne plante que des arbres improductifs. Un ancien préfet du Haut-Rhin, Félix Desportes, avait marché dans la voie ouverte par M. de Lucé ; en trois années (an XI, XII et XIII) il fit planter, le long de nos chemins, près d’un million d’arbres, parmi lesquels on comptait 415,000 arbres fruitiers[2]. Si ce mouvement avait été continué, nous jouirions aujourd’hui du bienfait et du spectacle que M. Desportes avait entrevu. « Bientôt, disait-il, le Haut-Rhin offrira l’image d’un riche verger ; les prairies et les champs garderont, sous un feuillage protecteur, leur verdure et leur richesse. Le produit de ces arbres rendra au Haut-Rhin le commerce des fruits secs qu’il faisait autrefois avec le Nord. »

Qui s’en douterait ? Les pauvres enfants qui, pendant l’été, viennent, pieds nus, les cheveux au vent, de nos hautes montagnes, vendre dans les villes les fraises au parfum pénétrant et les framboises nées sur la ronce des bois, ces enfants, le treizième siècle les voyait déjà offrir leur récolte pourprée à la porte des maisons de nos vieilles cités. « À la Sainte-Pétronille (31 mai) de l’année 1281 on vit paraître les fraises dans les montagnes d’Alsace ; les pauvres les vendaient[3]. »

Tel est le témoignage d’un document contemporain. Depuis plus de six siècles, les enfants et les femmes de Wasserbourg, de Hüsseren et du val de Munster apportent à Colmar leurs petits paniers de fraises, comme les pauvres de Grendelbruch, de Laubenheim et de Mollkirch les portent à Strasbourg.

  1. Friese, Oekonom. Naturgesch. des Elsasses, p. 10.
  2. Annuaire du Haut-Rhin pour l’an XIII, p. 263.
  3. Annales des Dominicains de Colmar, édition de 1854, p. 99.