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français dont plusieurs ont depuis établi des pépinières considérables à Strasbourg, à Haguenau et ailleurs[1]. » C’est de ces pépinières, dues à la sollicitude de l’administration française, que sont sorties ces belles espèces de fruits qui sont la richesse de nos vergers actuels. Le peuple le sait bien quand il fait la judicieuse distinction entre les fruits indigènes et vulgaires et ce qu’il appelle franzö sich Obst (les fruits français).

Cette régénération des arbres fruitiers en Alsace, entreprise et aidée par l’État, a été définitivement accomplie par une famille de jardiniers dont les travaux et l’intelligence méritent un souvenir reconnaissant. Jean Baumann, de Dornach, était en 1730 ouvrier-jardinier chez un riche horticulteur de la Hollande. Sur le bruit du savoir qu’il avait acquis, le maréchal de Rosen l’engagea à son service et lui confia la direction de ses jardins à Bollwiller. Vers 1740, le maréchal lui permit d’établir une petite pépinière d’arbres fruitiers pour son compte. Son fils François-Joseph lui succéda en 1760 ; il agrandit la pépinière, l’enrichit d’espèces nombreuses et nouvelles de fruits, tirées des meilleurs jardins de la France, et en fit un établissement célèbre dans toute l’Europe. Il était prévôt de Bollwiller en 1788. J’ai devant moi le catalogue des arbres fruitiers qu’il cultivait et propageait à cette époque. Il est très-riche et atteste les efforts que cet horticulteur renommé a faits pour doter notre province des arbres à fruits qui faisaient la gloire des jardins français. J’y compte trente-six variétés de pêches, parmi lesquelles la belle chevreuse, la madelaine, la chancelière, la cardinale de Furstenberg, la belle de Vitry, le téton de Vénus, le pavie rouge de Pomponne ; dix espèces d’abricots : d’Angoumois, de Provence, de Hollande, d’Alger, de Nancy, le plus recherché de tous, etc. ; vingt-neuf variétés de prunes : damas de Tours, drap d’or, impériale, royale, dauphine, de monsieur, perdrigon, Sainte-Catherine ; douze espèces de cerises : guignes, bigarreaux, griottes ; le général marquis de Rosen aimait par-dessus toutes le gros bigarreau

  1. Peuchet, Description du Bas-Rhin, p. 13.