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privilége que les fils de saint Bruno avaient aussi à Paris. Un simple chanoine de Saint-Dié possédait un jardin fameux. Quand Louis XIV y passa en 1673, la cour le visita et le « trouva le plus joli du monde[1] ».

C’est un fait certain dans notre histoire que la culture allemande ne produisait que des fruits d’une qualité assez médiocre et était resserrée dans un cercle très-borné quant aux espèces et aux variétés. Sébastien Munster dit, à la vérité, en parlant de l’Alsace, « que les fruits délicieux y croissent abondamment[2] » : mais cet éloge ne doit être accepté que comme l’éloge d’un Allemand qui raisonnait avec les idées de son époque et le goût de sa nation. Les bons fruits, les variétés rares et délicates, les espèces perfectionnées ne parurent, dans notre province, qu’après la conquête française. Les intendants royaux, frappés de la fertilité du sol et de l’indigence de nos vergers, établirent plusieurs pépinières qu’ils confièrent à des jardiniers français et dont les produits étaient destinés à propager dans le pays de meilleures races d’arbres fruitiers. Le baron de Montclar, commandant militaire de l’Alsace, en créa une à Kientzheim[3], sur la fin du dix-septième siècle, qui eut une grande renommée. Il y en avait une autre dans les environs de Haguenau, à Hartshausen, je crois, sur un domaine appartenant au maréchal d’Huxelles. Mais la plus importante paraît avoir été celle de Dachstein, établie près du château. « Elle renfermait toutes sortes d’arbres fruitiers tirés des pays du Midi, de la Touraine et de la Moselle, objet qui n’était point à cette époque en grande culture en Alsace. Pour encourager les propriétaires et les fermiers, on les leur vendait deux tiers au-dessous du prix ordinaire et on leur donnait les instructions nécessaires pour les faire réussir. On fit aussi venir des jardiniers

  1. Pélisson, Lettres, t. II, p. 2.
  2. Munster, Cosmographie, p. 803.
  3. Billing, Beschr. des Elsasses, p. 131.