Dès cette époque, l’oranger fut accueilli avec passion. L’électeur palatin créa, dans ses jardins de Heidelberg, la première orangerie qu’on ait vue en Allemagne ; ses belles serres devinrent célèbres. Tous les princes et les grands seigneurs de ce pays imitèrent le luxe de l’électeur, et Olivier de Serres dit que l’on voyait croître et mûrir les oranges dans leurs châteaux[1]. Les bourgeois riches de Metz et de Strasbourg cultivaient l’oranger comme un arbre d’agrément[2] ; Félix Plater le cultiva à Bâle pour en livrer les produits à la pharmacie ; d’après son livre de ménage, cette exploitation lui rapporta 1,300 livres bâloises[3]. Les comtes de Hanau, à Bouxwiller, et les comtes de Birkenfeld, à Ribeauvillé, se créèrent aussi des orangeries. La première est devenue la propriété de la ville de Strasbourg ; la seconde a passé aux mains de la ville de Colmar, après la Révolution. Les plus beaux jardins, les vergers les plus renommés appartenaient à la noblesse et au clergé, comme de raison. On citait surtout ceux des princes de Rohan dans leur résidence épiscopale de Saverne ; ils étaient immenses et rappelaient la magnificence de Versailles par leurs plantations savantes, leurs terrasses fleuries, leurs grottes, leurs cabinets de verdure, leurs pièces d’eau, leurs îles artificielles, leurs kiosques galants, leurs serres opulentes, leurs allées consacrées aux plus grands noms de la France, Condé, d’Estrées, Montmorency, etc.[4] ; ceux de la maison de Ribeaupierre, ceux de la famille de Rosen à Bollwiller, ceux des Klinglin à Zillisheim ; les Lustgærten des conseillers de la régence autrichienne à Ensisheim, qui leur furent concédés par un décret de l’archiduc, de 1576[5] ; ceux de l’abbaye d’Andlau, ceux du château d’Illkirch, etc. Le jardin des Chartreux de Molsheim avait un renom spécial pour la beauté et la suavité de ses fruits[6],