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déjà de l’Alsace comme d’un paradis et d’un jardin richement propice à la bonne chère[1]. » — « L’Alsace, dit Munster, est une des plus heureuses contrées de l’Allemagne. Elle ne le cède à aucun pays pour la richesse des productions alimentaires ; le blé, les vins, les fruits délicieux y croissent abondamment[2]. » — Silhon, le secrétaire du cardinal Mazarin, compare la beauté et la fertilité de l’Alsace à celles de la Touraine et de la Lombardie[3], — et Duval ajoute qu’il n’y a pas de contrée où il y ait ensemble « tant de commodités pour la vie de l’homme[4] ».

À ces heureuses conditions de climat et de sol se réunissaient des dispositions topographiques non moins avantageuses. Un fleuve immense fournissait, dans un cours de quarante-cinq lieues, presque toutes les variétés de poissons d’eau douce, et quelques espèces voyageuses empruntées à la mer d’Allemagne ; ses îles et ses rives boisées étaient peuplées de faisans au plumage doré, de canards sauvages, de poules aquatiques, d’échassiers de toute sorte, depuis le courlis jusqu’au héron. La plaine était coupée de rivières nombreuses, toutes fécondes en poissons délicats et succulents. Elle avait aussi ses grandes forêts, la Hart, le Hagenauer Forst, le Bienwald, et leurs ramifications, où abondait un gibier varié et excellent : le lièvre, le daim, le chevreuil, le cerf, le sanglier. À l’opposé du Rhin s’étageaient les Vosges ; le feuillage joyeux de la vigne égaie les collines qu’elles étendent dans la plaine, et la sombre verdure des sapins couronne leurs cimes lointaines et élevées. Dans ces retraites vastes et silencieuses vivaient d’innombrables bêtes fauves ; la civilisation et la vénerie en ont détruit les hôtes les plus nobles et les plus redoutables ; mais dans les vieux temps les rois y ont chassé l’élan, l’aurochs, l’ours. Le chamois a habité les sommets des Vosges jusqu’au treizième siècle, et les derniers ours n’ont

  1. Ursenson, Elsasz, p. 28.
  2. Munster, Cosmogr., p. 806.
  3. Éclaircissements de l’administration du cardinal Mazarin, p. 63.
  4. Géographie française, p. 24.