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sucre ». Quand le légat traita Marie de Médicis, à son passage à Avignon (1600), « il y avoit trois tables dressées et couvertes de plusieurs sortes de poissons, bestes et oiseaux, tous faicts de sucre, et cinquante statues en sucre, grandes de deux palmes, représentant au naturel plusieurs dieux, déesses et empereurs. Il y avoit aussi trois cents paniers pleins de toutes sortes de fruits en sucre, pris au naturel ». De pareils exemples, moins illustres par la dépense qu’ils ont occasionnée, mais inspirés par le même goût, se remarquent dans notre histoire. Au festin donné à Strasbourg, à l’évêque Robert, en 1449, on plaça devant le prélat un château en sucre. Robert ayant ouvert une fenêtre du castel, il s’en échappa une joyeuse volée d’oiseaux vivants ; puis il ouvrit une porte basse du château, et l’on vit un vivier dans lequel s’ébattaient de petits poissons. On lui présenta aussi un cochon de lait doré d’un côté, argenté de l’autre. Au festin donné à l’évêque Guillaume, en 1507, on vit encore une pâtisserie pittoresque représentant un palais dont les gargouilles versaient de l’hypocras ; une seconde sucrerie figurant un jardin avec cinq jeunes filles, et une troisième pièce représentant un jardin au milieu duquel s’élevait un roc couronné d’un cerf à la vaste ramure. Au dîner de noces de Georges de Ribeaupierre, en 1543, on vit une tarte surmontée d’Adam et d’Ève, portant, par décence, des costumes de cour ; une tour épanchant du vin blanc et des petits poissons ; une tête de porc dorée ; une maison de pâtisserie. — Il est superflu de citer d’autres faits.

Je ne quitterai point la pâtisserie sans dire un mot de la pâtisserie par excellence, du pain, la base fondamentale de l’alimentation humaine parmi les peuples civilisés. Dans toutes les langues policées, le nom du pain a toujours été le signe le plus large et le plus compréhensif pour résumer l’ensemble des nécessités de la vie. Il a fourni leur plus riche fonds aux proverbes, aux maximes et aux locutions pittoresques qui expriment les rapports variés de la vie sociale et peignent les adversités et les contentements