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raffinés. Les bonbons à devises faisaient fureur au dix-huitième siècle. Un Allemand, qui se trouvait à Strasbourg en 1780, raconte ainsi l’amusement que procurait l’échange des devises : « Au dessert on servit des devises. Chaque dame m’en envoya une et je lui en adressai une en retour. Elles excitaient des rires et des plaisanteries. Quelques pensées assez plates que contenaient plusieurs d’elles firent dire au vieux père que le roi devrait s’occuper d’une affaire aussi sérieuse que le plaisir de ses sujets, et charger l’Académie française, qui n’a cependant rien à faire, de rédiger des devises[1]. » L’on peut encore exprimer le même vœu aujourd’hui.

Le moyen âge et l’époque de la Renaissance ont aimé avec passion tout ce qui parlait au sens de la vue, tout ce qui avait un caractère de spectacle, d’étrangeté ou de rareté, toutes les inventions où l’adresse, l’artifice et l’imagination de l’homme déplaçaient les choses de leur cadre naturel pour les transporter dans un milieu fictif, et très-souvent dans le domaine du symbole et de l’allégorie. — Les récits des chroniqueurs nous apprennent qu’à tous les grands festins, aux banquets d’apparat, on voyait apparaître sur les tables des chefs-d’œuvre de pâtisserie ou de grande confiserie, les uns figurant des églises fameuses, les autres des châteaux-forts célèbres, d’autres des palais imaginaires. Ce luxe était particulièrement goûté chez les ducs de Bourgogne. L’art d’exécuter en sucre les figures les plus difficiles et les dessins les plus compliqués était poussé très-loin aux quinzième et seizième siècles. Lors de la collation offerte, en 1571, par la ville de Paris à la femme de Charles IX, « il n’y avoit, dit un historien, sorte de fruit qui puisse se trouver au monde qui ne fust là, avec un plat de toutes viandes et poissons, le tout en sucre, si bien ressemblant au naturel que plusieurs y furent trompez ; mesme les plats et escuelles esquelles ils estoient, estoient faicts de

  1. Schrifttasche auf einer Reise durch Teutschland, Frankreich, etc. Francf., 1780. Cité dans l’ancienne Revue d’Alsace, année 1856, vol. II, p. 351.